vendredi 23 décembre 2016

La solitude

La solitude n’est évidemment pas l’isolement...
Il y a de la beauté à être seul.  Et il faut être seul. Quand l’homme se libère de l’expression sociale de son envie, de son ambition, de son arrogance, de sa réussite, de son statut – quand il se libère de tout cela, c’est alors qu’il est complètement seul. Et c’est tout autre chose. Alors est une immense beauté, alors est la sensation d’une immense énergie.
L’isolement ne peut être comparé à la solitude. Nous n’avons pas l’esprit suffisamment intégré pour être seuls. Le processus même de l’esprit est séparateur. Et tout ce qui sépare connaît l’isolement. La solitude, en revanche, n’est pas séparatrice. Mais, malheureusement, nous sommes presque tous en quête de dépendance. Nous avons besoin de compagnons, d’amis, nous voulons vivre dans un état de séparation, un état qui donne lieu aux conflits…Mais notre esprit ne peut jamais percevoir cette chose, ne peut jamais la comprendre, il ne peut connaître que l’isolement...La plupart d’entre nous ne sommes jamais seuls. Vous pouvez vous retirer dans la montagne et mener une vie recluse, mais, lorsque vous êtes physiquement isolé, vous gardez toujours avec vous vos idées, vos expériences, vos traditions, la connaissance que vous avez du passé.
Pouvez-vous donc regarder cette solitude, sans comparaison, la voir simplement telle qu’elle est, sans essayer de la fuir, sans chercher à la camoufler, ou à lui échapper ? Alors, vous verrez que la solitude devient quelque chose de tout à fait différent.
N’est-il pas capital de découvrir, de voir toute la portée de ces interférences, de ces influences, de voir comment s’instaure le « moi », qui est la contradiction de l’anonyme ? En constatant tout cela, n’est-il pas inévitable que l’on veuille savoir s’il est possible de susciter un tel état d’esprit – un esprit qui ne soit influencé ni par ses propres expériences ni par celles des autres – un esprit incorruptible et seul ?
                                                                                        Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie

1er  décembre
Il y a de la beauté à être seul
 Je ne sais si vous avez déjà été seul ; vous réalisez soudain que vous n’êtes plus en relation avec personne, qu’il ne s’agit pas d’un constat intellectuel, mais de la constatation d’un fait réel…et vous êtes complètement isolé. Toute forme de pensée, d’émotion, est bloquée. Vous n’avez nulle part où aller, personne vers qui vous tourner ; (…) Vous avez un sentiment d’isolement total – Je n’emploierai pas le mot solitude.
La solitude a une tout autre saveur : il y a de la beauté à être seul. (…) Et il faut être seul. Quand l’homme se libère de l’expression sociale de son envie, de son ambition, de son arrogance, de sa réussite, de son statut – quand il se libère de tout cela, c’est alors qu’il est complètement seul. Et c’est tout autre chose. Alors est une immense beauté, alors est la sensation d’une immense énergie.

2  décembre
La solitude n’est pas isolement
(…) Or, l’esprit qui est figé dans la solitude, dans cet état d’isolement, ne pourra jamais comprendre ce qu’est la religion. (…) Il me semble que la religion n’a absolument rien à voir avec les croyances, les prêtres, les églises, les livres prétendument sacrés. L’état de cet esprit religieux ne peut être compris que lorsque nous commençons à saisir ce qu’est la beauté ; et l’approche de compréhension de la beauté ne peut que passer par la solitude totale. Ce n’est que lorsque l’esprit est complètement seul – et dans nul autre état – qu’il peut savoir ce qu'est la beauté.     
La solitude n’est évidemment pas l’isolement, et ce n’est pas non plus l’unicité. Etre unique n’est rien d’autre, en un sens, que d’être exceptionnel, alors qu’être complètement seul demande une sensibilité, une intelligence, une compréhension hors du commun. Etre complètement seul suppose que l’esprit soit libre de toute espèce d’influence ; et ne soit donc pas contaminé par la société ; et il faut que l’esprit soit seul pour pouvoir comprendre ce qu’est la religion – qui consiste à trouver par ses propres moyens s’il existe une chose qui soit immortelle, au-delà du temps.

3  décembre
Connaître la solitude
Le sentiment d’isolement est tout à fait différent de la solitude. Il faut dépasser ce sentiment pour pouvoir être seul. L’isolement ne peut être comparé à la solitude. (…) Nous n’avons pas l’esprit suffisamment intégré pour être seuls. Le processus même de l’esprit est séparateur. Et tout ce qui sépare connaît l’isolement.
La solitude, en revanche, n’est pas séparatrice. C’est quelque chose qui n’est pas multiple, qui n’est pas influencé par ce qui est multiple, qui n’est pas le résultat de la multiplicité, qui n’est pas construit de toutes pièces, comme l’est l’esprit ; car l’esprit est de l’ordre du multiple.  L’esprit n’est pas une entité qui est seule, puisqu’il a été construit, élaboré, fabriqué au fil des siècles. L’esprit ne peut jamais être seul. Mais c’est dans la prise de conscience de l’isolement, dans les moments où l’esprit le subit, qu’éclôt cette solitude. Alors seulement peut être l’immesurable. 

4  décembre
C’est dans la solitude qu’est l’innocence
La plupart d’entre nous ne sommes jamais seuls. Vous pouvez vous retirer dans la montagne et mener une vie recluse, mais, lorsque vous êtes physiquement isolé, vous gardez toujours avec vous vos idées, vos expériences, vos traditions, la connaissance que vous avez du passé. (…) Je parle d’une solitude où l’esprit est totalement libéré du passé, et seul un esprit tel que celui-là est vertueux, car c’est dans cette solitude et elle seule qu’est l’innocence. (…) Je pense que ce qui se dit ici est en rapport direct avec les actions et la vie quotidiennes ; sinon, cela n’a aucune valeur. De cette solitude naît une vertu virile qui nous confère un sens extraordinaire de la pureté et de la délicatesse. Si l’on commet des erreurs, cela n’a que peu d’importance. Ce qui compte, c’est d’avoir ce sentiment d’être absolument seul, vierge de toute contamination, car seul un esprit tel que celui-là est apte à connaître ou à percevoir cette chose qui est au-delà du mot, au-delà du nom, au-delà de toutes les projections de l’imaginaire.

5  décembre
Celui qui est seul est innocent
(…) Nous ne sommes pas seuls. Nous sommes le résultat de mille influences et conditionnements, de mille héritages psychologiques, de mille formes de propagande et de culture. Nous ne sommes pas seuls, nous sommes donc des êtres humains de seconde main. Lorsqu’on est seul, totalement seul, qu’on n’appartient à aucune famille, bien qu’on puisse en avoir une, à aucune patrie, à aucune culture, qu’on n’est lié par aucun engagement particulier, surgit alors cette impression d’être un étranger – étranger à toute forme de pensée, d’action, de famille, de patrie. Et n’est innocent que celui qui est complètement seul. C’est cette innocence qui libère l’esprit de la souffrance.

6  décembre
Créer un monde nouveau 
Si vous devez créer un monde nouveau, une civilisation nouvelle, un art neuf, un univers où tout soit neuf, où rien ne soit contaminé par la tradition, par la peur, par les ambitions, si vous devez créer quelque chose d’anonyme qui appartienne à vous et à moi, une nouvelle société dans laquelle il n’y ait plus ni vous ni moi, mais un « tout-nôtre », l’esprit ne doit-il pas être complètement anonyme, et par là même seul ? Cela suppose, n’est-ce pas, une nécessaire révolte contre le conformisme, contre la respectabilité, car tout homme respectable est un homme médiocre, puisqu’il a des besoins : il dépend, pour être heureux, de certaines influences, il est dépendant de l’opinion de ses voisins, (…) N’est-il pas capital de découvrir, de voir toute la portée de ces interférences, de ces influences, de voir comment s’instaure le « moi », qui est la contradiction de l’anonyme ? En constatant tout cela, n’est-il pas inévitable que l’on veuille savoir s’il est possible de susciter un tel état d’esprit – un esprit qui ne soit influencé ni par ses propres expériences ni par celles des autres – un esprit incorruptible et seul ?

 7  décembre
Une solitude totalement dénouée de peur
Ce n’est que lorsque l’esprit est capable de se dépouiller de toutes les influences, de toutes les interférences, capable d’être complètement seul…que s’exprime la créativité.
Partout dans le monde, la technique se développe de plus en plus – technique des moyens d’influencer les populations, par l’intermédiaire de la propagande, de la contrainte, de l’imitation… (…) de sorte que nous perdons peu à peu note initiative, l’initiative de conceptions originale qui nous soient propres.
(…) Ne faudrait-il pas que l’esprit soit constamment en révolte, afin de comprendre ces influences qui ne cessent d’empiéter, d’intervenir sur lui, de le réprimer, de le façonner ? L’un  des traits de l’esprit médiocre n’est-il pas d’avoir toujours peur, et, compte tenu    de l’état de confusion où il se trouve, d’avoir envie d’ordre, de logique, d’être à la recherche d’une forme, d’une structure susceptible de le guider et de le maîtriser ? Et pourtant ces formes, ces influences diverses ne suscitent en l’individu que contradictions et confusion… Tout choix entre divers influences est évidemment toujours révélateur d’un état de médiocrité.






         


mardi 6 décembre 2016

L'amour

Sans la compréhension du plaisir, jamais vous ne pourrez comprendre l’amour. Pour la plupart d’entre nous, pour tous les êtres humains, la sexualité fait problème. Pourquoi ?
Face à un problème, quel qu’il soit, il semble que nous n’envisagions qu’une alternative : réprimer ou fuir. Réprimer revient en réalité au même que de fuir. Et nous avons tout un faisceau très complexe d’échappatoires, tant intellectuelles qu’émotionnelles, outre les activités banales du quotidien. La fuite prend des formes très diverses…L’amour ne peut se cultiver. L’amour ne peut être divisé en amour divin et amour physique ; l’amour est simplement l’amour.
Avec l’amour, quoi que vous fassiez, il n’y a aucun risque ; il n’y a aucun conflit. Alors l’amour est l’essence de la vertu. Et l’esprit qui n’est pas en état d’amour n’est en aucun cas un esprit religieux. Or seul l’esprit qui est religieux est délivré des problèmes, et connaît la beauté de l’amour et de la vérité...Peut-il exister un amour sans stimulant, sans désir d’obtenir quelque chose pour soi-même ? Peut-il exister sans le sentiment d’être blessé lorsqu’il n’est pas réciproque ?Celui qui aime est un homme dangereux, et nous ne voulons pas vivre dangereusement ; nous voulons vivre efficacement. (…) Est-il possible de créer une société dans laquelle cessent d’exister toute cette corruption et toute cette misère ? Cette société ne pourra voir le jour que lorsque vous et moi en tant qu’individus nous arracherons à toute emprise collective, lorsque nous nous libérerons de toute ambition et que nous saurons ce qu’aimer veut dire.
La compassion n’est pas un sentiment ; elle n’a rien à voir avec cette sympathie ou cette empathie très approximative. La compassion ne peut se cultiver par la pensée, la discipline, le contrôle ni le refoulement, pas plus qu’en étant bon, poli, gentil, et tout ce qui s’ensuit. La compassion naît lorsque la pensée, jusqu’à ses racines les plus profondes, a cessé d’exister. La société n’est pas quelque entité mythique extraordinaire ; la société, ce sont nos rapports mutuels, et si, parmi nous, deux ou trois individus changent, comment cela peut-il affecter le reste du monde ? A moins qu’il n’y ait un moyen d’affecter globalement l’esprit humain ? Ce qui cherche à se conformer ne peut fleurir dans le bien, le juste. Pour cela, la liberté est nécessaire, et elle ne vient que lorsqu’on comprend dans toute son ampleur le problème de l’envie, de l’avidité, de l’ambition, et la soif de pouvoir. La compassion n’est pas difficile lorsque le cœur n’est pas rempli des sournoiseries de l’esprit. Lorsque l’esprit est serein, sans le moindre mouvement, elle est là. La sérénité n’a pas de motif, elle ignore la soif du plus.
                                                                                                  Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

22 novembre
L’amour n’est pas le plaisir
Sans la compréhension du plaisir, jamais vous ne pourrez comprendre l’amour. (…) Et pour comprendre le plaisir, comme je l’ai dit, il faut apprendre à le connaître. A l’heure actuelle, pour la plupart d’entre nous, pour tous les êtres humains, la sexualité fait problème. Pourquoi ? (…) C’est parce que vous n’arrivez pas à résoudre les problèmes liés au sexe que vous le fuyez. (…) En niant une chose qui fait partie intégrante de votre structure même – du système glandulaire, et ainsi de suite -, en la muselant, vous avez fait de l’homme que vous étiez un être aride, en proie à une lutte intérieure de tous les instants. (…) Mais vous, comment résolvez-vous ce problème ?

23 novembre
L’amour ne se cultive pas 
L’amour ne peut se cultiver. L’amour ne peut être divisé en amour divin et amour physique ; l’amour est simplement l’amour – la question n’est pas de savoir si l’on a plusieurs, ou un seul et unique objet d’amour. Autre exemple de question absurde : « Aimez-vous absolument tout ? » Une fleur qui exhale son parfum ne se préoccupe pas, bien sûr, de savoir qui vient la humer, ou qui choisit de lui tourner le dos. Il en va de même pour l’amour. L’amour n’est pas un souvenir. L’amour ne procède pas de l’esprit ou de l’intellect. Mais il éclôt naturellement, comme la compassion, lorsque l’ensemble du problème de l’existence – c'est-à-dire la peur, l’avidité, l’envie, l’espoir, et le désespoir – a été compris et résolu. L’ambitieux est incapable d’amour. L’homme qui est attaché à sa famille est dénué d’amour.  La jalousie n’a rien à voir non plus avec l’amour.
(…) L’amour suppose une grande liberté ; pas de faire tout ce qui vous plaît. Mais l’amour ne vient que lorsque l’esprit est très silencieux, désintéressé, sans égocentrisme. (…) Si vous n’avez pas d’amour en vous, vous aurez beau faire (…) vous ne serez rien d’autre qu’un être mort. Avec l’amour, quoi que vous fassiez, il n’y a aucun risque ; il n’y a aucun conflit. Alors l’amour est l’essence de la vertu. Et l’esprit qui n’est pas en état d’amour n’est en aucun cas un esprit religieux. Or seul l’esprit qui est religieux est délivré des problèmes, et connaît la beauté de l’amour et de la vérité.


24 novembre
L’amour sans motif
Qu’est-ce que l’amour sans motif ? Peut-il exister un amour sans stimulant, sans désir d’obtenir quelque chose pour soi-même ? Peut-il exister sans le sentiment d’être blessé lorsqu’il n’est pas réciproque ? Si je vous offre mon amitié et que vous la refusez, ne suis–je pas blessé ? Cette blessure est-elle le produit de mon amitié, de ma générosité, de ma sympathie ? Tant que je peux être blessé, tant que la peur est là, tant que je vous aide dans l’espoir d’une aide en retour – c’est ce qu’on appelle rendre service – il n’y a pas d’amour.

25 novembre
L’amour est dangereux
Comment l’homme peut-il vivre sans amour ? Nous ne pouvons faire autrement qu’exister, et sans amour, l’existence n’est que contrainte, confusion et douleur – telle est le plus souvent la vie que nous créons. (…) l’amour est l’élément le plus dangereux et le plus incertain dans la vie ; et parce que nous refusons l’incertitude, parce que nous ne voulons pas d’être en danger, nous ne vivons que par l’esprit. Celui qui aime est un homme dangereux, et nous ne voulons pas vivre dangereusement ; nous voulons vivre efficacement, nous voulons vivre encadrés par les organisations, parce que nous pensons que les organisations  établies vont apporter l’ordre et la paix dans le monde. 

26 novembre
Quelle est votre réaction ? 
(…) Comment qualifier une société qui a créé une telle situation – où certains sont immensément riches et ont tout ce qu’ils peuvent désirer, alors qu’en même temps des garçons et des filles sont démunis de tout ? Comment qualifier une telle société, et comment est-elle née ? Vous pouvez révolutionner tout le pays, casser les schémas de cette société, mais l’acte même par lequel on les brise en suscite de nouveaux, qui sont identiques sous des dehors différents. (…) Est-il possible de créer une société dans laquelle cessent d’exister toute cette corruption et toute cette misère ? Cette société ne pourra voir le jour que lorsque vous et moi en tant qu’individus nous arracherons à toute emprise collective, lorsque nous nous libérerons de toute ambition et que nous saurons ce qu’aimer veut dire. Voilà quelle fut alors ma réaction, jaillie tout entière en un éclair.

27 novembre 
La compassion n’est pas le mot
La pensée ne peut, par aucun moyen qui soit, cultiver la compassion. Je n’emploie pas ce mot de compassion pour désigner le contraire de la violence, son antithèse. Mais, à moins que nous n’ayons tous ce sens profond de la compassion, nous deviendrons de plus en plus brutaux et inhumain les uns envers les autres. Nous aurons un esprit aussi mécanique qu’un ordinateur, un esprit qui a simplement été entraîné à remplir certaines fonctions. Nous continuerons à chercher la sécurité, tant physique que psychologique, et nous passerons à côté de la profondeur extraordinaire de l’existence, de toute sa beauté, et de tout son sens.

28 novembre
La compassion et le bien
La compassion, cette perception du bien, du juste, ce sens de ce que la vie a de sacré, (…) ce sens peut-il s’éveiller de manière contrainte et forcée ? (…) Le changement doit donc impérativement être dénué de causalité. Tout changement qui survient en raison d’une causalité n’est pas l’ordre de la compassion ; ce n’est qu’un produit marchand qui se vend ou s’achète. (…) Mais si je change, quel impact cela peut-il avoir sur la société, c’est-à-dire sur mes relations avec vous ? La société n’est pas quelque entité mythique extraordinaire ; la société, ce sont nos rapports mutuels, et si, parmi nous, deux ou trois individus changent, comment cela peut-il affecter le reste du monde ? A moins qu’il n’y ait un moyen d’affecter globalement l’esprit humain ? 

29 novembre
Transmettre la compassion
Si je m’intéresse à la compassion…à l’amour, au sentiment réel du sacré, alors comment ce sentiment peut-il se transmettre ? (…) Quelle relation peut-il y avoir entre celui qui a ce sens de la compassion et l’homme qui reste terré au sein d’une collectivité, d’une tradition ? Comment pouvons-nous découvrir, et ce, non pas en théorie, mais réellement, la relation qui lie ces deux être-là ?...
Ce qui cherche à se conformer ne peut fleurir dans le bien, le juste. Pour cela, la liberté est nécessaire, et elle ne vient que lorsqu’on comprend dans toute son ampleur le problème de l’envie, de l’avidité, de l’ambition, et la soif de pouvoir. C’est en se libérant de tout cela que peut fleurir cette chose extraordinaire qui s’appelle le caractère. Un homme qui a ce caractère-là est plein de compassion, il sait ce qu’est aimer -
contrairement à celui qui répète des flots de paroles moralisatrices.

30 novembre
Il faut venir les mains vides 
La compassion n’est pas difficile lorsque le cœur n’est pas rempli des sournoiseries de l’esprit. C’est l’esprit, avec ses exigences et ses peurs, ses attachements et ses refus, ses déterminations et ses besoins, qui détruit l’amour. Et comme il est difficile de rester simple par rapport à tout cela ! Vous n’avez nul besoin de philosophies ni de doctrines pour être bon et doux. (…) Aucune organisation ne donne la générosité qui provient du cœur et du geste. La générosité provient d’une source toute différente, une source au-delà de toute mesure. L’ambition et l’envie la détruisent aussi sûrement que le feu brûle. Il faut toucher cette source, mais on doit venir à elle les mains vides, sans prières et sans sacrifices. Aucun livre ne peut rien nous en apprendre, aucun gourou ne peut nous mener jusqu’à elle. On ne peut l’atteindre en cultivant la vertu, bien que la vertu soit nécessaire, ni grâce à ses capacité et à sa soumission. Lorsque l’esprit est serein, sans le moindre mouvement, elle est là. La sérénité n’a pas de motif, elle ignore la soif du plus. 



mardi 29 novembre 2016

La renaissance

Mettre fin à la souffrance, c’est entrer en contact avec la mort de votre vivant – en mourant à votre nom, à votre maison, à vos biens, à votre cause, de sorte que vous débordiez de fraîcheur, de jeunesse, de lucidité, et que vous puissiez voir les choses telles qu’elles sont, sans la moindre distorsion. C’est ce qui va se passer à l’heure de votre mort. C’est dans cette mort de chaque instant au « moi » qu’est l’éternité, qu’est l’immortalité, et qu’il est une chose dont il faut faire expérience …La quête de l’immortalité par la réincarnation est essentiellement égoïste, et n’est donc pas conforme à la vérité. Votre quête d’immortalité n’est qu’un autre aspect du désir de pérenniser des réflexes d’autodéfense qui vont à l’encontre de la vie et de l’intelligence. Toute chose dotée d’une continuité ne peut jamais se renouveler...La notion de continuité d’une âme destinée à renaître, encore et sans fin, n’a donc pas le moindre sens, parce que ce n’est qu’une invention née d’un esprit qui a peur, qui veut perdurer, qui cherche dans la permanence un recours de durée, et qui a besoin de certitude, parce qu’en elles est l’espérance.
Peut-il  y avoir une action qui ne soit pas fondée sur l’idée ? L’idée, c’est la continuation d’hier sous une forme modifiée, et cette continuation va conditionner demain, ce qui signifie que toute action fondée sur l’idée ne peut jamais être libre. Tant que l’action aura pour fondement l’idée, elle engendrera inévitablement des conflits ultérieurs. (…) Tant que l’action est le fruit du passé, elle ne peut jamais être libre ; or ce n’est que dans la liberté que l’on peut découvrir la vérité. Ce qui se passe, en fait, c’est que l’esprit, n’étant pas libre, ne peut pas agir : il ne peut que réagir, et c’est la réaction qui est la base de nos actions. Nos actions, loin d’être des actions, ne sont que le prolongement de réactions, car elles sont l’expression de la mémoire, de l’expérience, des réponses d’hier . La question qui se pose est donc celle-ci : l’esprit peut-il se libérer de son conditionnement ? 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
15 novembre
Mourir sans discussion
(…) La mort, lorsqu’elle vient, n’argumente pas avec vous. Pour lui faire face, vous devez, chaque jour, mourir à toute chose : à votre angoisse, à votre solitude, aux relations auxquelles vous vous accrochez ; vous devez mourir à vos pensées, mourir à vos habitudes, mourir à votre femme afin de la regarder avec des yeux neufs ; (…) Mais vous ne pourrez pas affronter la mort si vous ne mourrez chaque jour. Ce n’est que lorsqu’on meurt que naît l’amour. L’esprit qui a peur est dénué d’amour – il a des habitudes, il a de la sollicitude, il peut se forcer à être bon et superficiellement attentionné. (…) Mais notre mort aux choses physiques est limitée. Nous admettons, en toute logique et en toute raison, que l’organisme cesse un jour de vivre. C’est pourquoi nous nous inventons une vie, tissée de tout notre vécu – tissée de nos angoisses quotidiennes, de notre insensibilité quotidienne, (…),  cette vie que nous voudrions perpétuer, nous l’appelons l’ « âme » - qui est, selon nous , ce qu’il y a de plus sacré, qui participe du divin, alors qu’elle fait toujours partie de votre pensée et n’a donc rien à voir avec la divinité. Telle est votre vie ! 

16 novembre
Dans la mort est l’immortalité
(…) Ce n’est que dans la mort qu’il naît quelque chose de neuf. (…) Or le fait réel, c’est que toute chose qui se perpétue ne peut connaître ni renaissance, ni renouveau.
C’est dans cette mort de chaque instant au « moi » qu’est l’éternité, qu’est l’immortalité, et qu’il est une chose dont il faut faire expérience …
Lorsque vous n’avez plus peur parce qu’à chaque minute il y a fin et renouveau, alors vous êtes ouvert à l’inconnu. (…) Ce qui est authentique, c’est de voir la mort telle qu’elle est – une fin, une fin dans laquelle il y a renouveau, renaissance – pas une continuité. Car tout ce qui se perpétue finit par dépérir ; mais ce qui a le pouvoir de se renouveler est éternel.

17 novembre
La réincarnation est essentiellement égoïste
Vous voulez que je vous donne l’assurance que vous allez vivre une seconde vie, mais il n’est en cela ni bonheur ni sagesse. La quête de l’immortalité par la réincarnation est essentiellement égoïste, et n’est donc pas conforme à la vérité. Votre quête d’immortalité n’est qu’un autre aspect du désir de pérenniser des réflexes d’autodéfense qui vont à l’encontre de la vie et de l’intelligence. Cette insatiable soif de durée ne peut mener qu’à l’illusion. Ce qui compte, ce n’est donc pas de savoir si la réincarnation existe, mais de réaliser l’accomplissement total dans le présent même. Et cela n’est possible que lorsque votre esprit et votre cœur cessent de se protéger contre la vie.

18 novembre
Qu’est-ce que la réincarnation ?
(…) Essayons de trouver si le « je » est en essence quelque chose de spirituel. Et par spirituel nous entendons, n’est-ce pas, quelque chose qui n’est pas susceptible d’être conditionné, qui n’est pas une projection de l’esprit  humain, qui n’est pas dans le champ de la pensée, quelque chose qui ne meurt pas. Lorsque nous parlons d’entité spirituelle, nous désignons par-là quelque chose qui ne se limite pas au champ de l’esprit, de toute évidence. Le « je » est-il une entité spirituelle correspondant à ces critères ? Si tel est le cas, il faut qu’il transcende toute notion de temps, et par conséquent il ne peut ni renaître ni perdurer… Toute chose dotée d’une continuité ne peut jamais se renouveler. Tant que la pensée se perpétue à travers la mémoire, à travers le désir, à travers l’expérience, elle ne peut jamais se renouveler ; et donc, ce qui perdure est inapte à connaître le réel.

19 novembre
L’âme existe-t-elle ?
(…) L’âme a-t-elle une existence réelle ? Nous nous plaisons à croire en ce quelque chose qui est l’âme, nous l’avons placé au-delà de la pensée, au-delà des mots –toujours au-delà. Ce quelque chose est éternel, spirituel ; il ne mourra jamais – voilà pourquoi la pensée s’y accroche. Mais existe-t-elle vraiment, cette âme – cette chose au-delà du temps, au-delà de la pensée, cette chose qui n’est pas une invention de l’homme, qui transcende la nature humain, cette chose qui n’est pas élaboration de l’esprit roué – existe-t-elle ? Car l’esprit ne voit dans la vie qu’incertitude et confusion immenses, et rien de permanent – rien. (…) Rien n’a de permanence. Et c’est ainsi que l’esprit invente ce quelque chose, qui est permanent et qu’il appelle l’âme. Mais puisque celle-ci est concevable par l’esprit, concevable par la pensée, (…) elle reste toujours inscrite dans le périmètre du temps. Si je peux concevoir une chose, c’est qu’elle fait partie de ma pensée. (…) L’âme reste donc confinée dans les limites du temps. La notion de continuité d’une âme destinée à renaître, encore et sans fin, n’a donc pas le moindre sens, parce que ce n’est qu’une invention née d’un esprit qui a peur, qui veut perdurer, qui cherche dans la permanence un recours de durée, et qui a besoin de certitude, parce qu’en elles est l’espérance.

20 novembre
Qu’entend-on par « karma » ?
Le karma sous-entend, n’est-il pas vrai, la notion de cause et d’effet – l’action, fondée sur une cause, donnant lieu à un certain résultat, l’action née du conditionnement produisant de nouveau effets. La cause et l’effet sont-ils donc statiques, définitivement figés ?  L’effet ne devient-il pas à son tour une cause ? Il n’y a donc pas de causes fixes ni d’effets fixes.
(…) Tant que nous considérons la cause, l’arrière-plan, le conditionnement, comme étant sans lien avec l’effet, il y aura forcément conflit entre la pensée et cet arrière-plan. Le problème est donc beaucoup plus complexe que celui de savoir s’il faut croire ou non à la réincarnation, car la question est de savoir comment agir, et non s’il faut croire à la réincarnation ou au karma – deux notions qui sont absolument hors de propos.

21 novembre
Une action fondée sur l’idée
L’action peut-elle jamais nous libérer de cet enchaînement de causes et d’effets ? (…) C’est tout le processus du karma : la cause et l’effet ; et de toute évidence, ce mécanisme de causes et d’effets (…) mène en fin de compte à la douleur. Le véritable nœud de la question est le suivant : la pensée peut-elle être libre ? Toute pensée, toute action vraiment libre n’est ni cause de douleur, ni source de conditionnement. Tel est le point crucial de toute cette question.
Peut-il donc y avoir une action qui soit sans aucune connexion avec le passé ? Peut-il  y avoir une action qui ne soit pas fondée sur l’idée ? L’idée, c’est la continuation d’hier sous une forme modifiée, et cette continuation va conditionner demain, ce qui signifie que toute action fondée sur l’idée ne peut jamais être libre. Tant que l’action aura pour fondement l’idée, elle engendrera inévitablement des conflits ultérieurs. (…) Tant que l’action est le fruit du passé, elle ne peut jamais être libre ; or ce n’est que dans la liberté que l’on peut découvrir la vérité. Ce qui se passe, en fait, c’est que l’esprit, n’étant pas libre, ne peut pas agir : il ne peut que réagir, et c’est la réaction qui est la base de nos actions. Nos actions, loin d’être des actions, ne sont que le prolongement de réactions, car elles sont l’expression de la mémoire, de l’expérience, des réponses d’hier. La question qui se pose est donc celle-ci : l’esprit peut-il se libérer de son conditionnement ?


  

mardi 22 novembre 2016

La mort


Si vous n’aviez plus qu’une heure à vivre, que feriez-vous ?
N’est-il pas possible de vivre en ce monde, sans ambition, en étant simplement ce que vous êtes ? Si vous commencez à comprendre ce que vous êtes sans essayer d’y rien changer, alors ce que vous êtes fera l’objet d’une transformation.
L’esprit qui meurt chaque jour aux souvenirs d’hier, à toutes les joies et toutes les peines du passé – cet esprit-là  est frais, innocent, il n’a pas d’âge ; et sans cette innocence, que vous ayez dix ou soixante ans, jamais vous ne trouverez Dieu. Il faut mettre fin aux images que nous avons élaborées – celles que nous nous sommes créées de nous-mêmes, de notre famille, de nos relations, l’image que nous avons édifiée à travers nos plaisirs,  nos liens avec la société, nos liens avec toute chose. C’est précisément ce qui se passera à l’heure de notre mort...Après tout, c'est la peur qui est à la base de tout cela – la peur de mourir, la peur de vivre, la peur de souffrir. Si vous ne pouvez pas comprendre l’origine de la peur, et vous en libérer, il importe peu que vous soyez vivant ou mort... De quoi se compose le connu ? D’idées, d’opinions diverses, de ce sens de la continuité que l’on a par rapport au connu, et c’est tout...Les accumulations psychologiques  constituent un barrage à cette souffrance tant qu’elles ne sont pas menacées : je suis un paquet d’accumulations et d’expériences, qui s’opposent à tout ce qui pourrait les déranger, donc j’ai peur, et c’est du connu que j’ai peur...L’esprit doit faire des expériences, c’est inévitable. Il doit répondre à tout ce qui le sollicite – sinon il est déjà mort ; mais il doit être capable de répondre sans être figé par l’expérience.
Lorsque nous parlons d’entité spirituelle, nous désignons par là ce quelque chose qui n’est évidemment pas enclos dans champ de l’esprit. Alors, le « je » est-il une entité spirituelle de ce type ? Tant que la pensée se perpétue à travers la mémoire, le désir, l’expérience, tout renouveau lui sera toujours interdit ; donc, ce qui se perpétue ne peut en aucun cas connaître l’ultime réalité.
Vous aurez beau passer par mille renaissances, jamais vous ne connaîtrez la réalité authentique, car seul ce qui meurt, ce qui cesse d’exister, est capable de renouveau. 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie

8 novembre
Vivre dans ce monde de manière anonyme
(…) Je crois possible de vivre en ce monde de manière anonyme, en étant un parfait inconnu, ni célèbre, ni ambitieux, ni cruel. On peut mener une vie très heureuse quand on n’accorde aucune importance au moi, et cela participe aussi d’une éducation juste. Le monde entier idolâtre le succès. (…) La glorification du succès est notre pain quotidien. L’obtention de tout succès important se double aussi d’une grande souffrance ; mais nous nous laissons le plus souvent happer par le désir de réussite, et le succès compte pour nous beaucoup plus que la compréhension et la dissolution de la souffrance.

9 novembre
Plus qu’une heure à vivre
 

Si vous n’aviez plus qu’une heure à vivre, que feriez-vous ? Ne prendriez-vous pas les mesures nécessaires pour régler les choses extérieures, vos affaires, votre testament, et ainsi de suite ? Ne réuniriez-vous pas votre famille et vos amis pour leur demander pardon du mal que vous avez pu leur faire et leur pardonner le mal qu’ils auraient pu vous faire ? Ne mourriez-vous pas totalement aux choses de l’esprit, aux désirs et à ce monde ? Et si une telle chose est réalisable l’espace d’une heure, alors elle est également réalisable au fil des jours et des années qui restent peut-être encore… Essayez et vous trouverez.

10 novembre
Mourir chaque jour
 Qu’est-ce que l’âge ? (…) Votre corps vieillit – votre esprit aussi lorsqu’il se laisse encombrer par toutes les expériences, les misères et la lassitude de l’existence . L’esprit n’est capable de découverte que lorsqu’il est jeune, frais, innocent ; mais l’innocence n’est pas une question de l’âge. Il n’y a pas que l’enfant qui soit innocent, (…) c’est aussi le privilège de l’esprit qui sait vivre ses expériences sans en accumuler les sédiments. L’esprit doit faire des expériences, c’est inévitable. Il doit répondre à tout ce qui le sollicite – (…) sinon il est déjà mort ; mais il doit être capable de répondre sans être figé par l’expérience. Ce sont la tradition, l’accumulation des expériences, les cendres de la mémoire, qui font que l’esprit vieillit. Mais l’esprit qui meurt chaque jour aux souvenirs d’hier, à toutes les joies et toutes les peines du passé – cet esprit-là   est frais, innocent, il n’a pas d’âge ; et sans cette innocence, que vous ayez dix ou soixante ans, jamais vous ne trouverez Dieu.   

11 novembre
La mort perçue en tant qu’état
Nous avons tous peur de mourir. Pour que cesse cette peur, nous devons entrer en contact avec la mort – il ne s’agit pas d’un contact avec l’image que notre pensée se fait d’elle, mais d’une perception réelle de la mort en tant qu’état. Sinon la peur n’en finira jamais, car c’est le mot mort qui suscite la peur. Et nous ne voulons même pas en parler. (…) Pour découvrir ce qu’est la vie de même que pour découvrir ce qu’est la mort, il faut entrer en contact avec la mort, c'est-à-dire mettre fin chaque jour à tout ce que nous avons connu. Il faut mettre fin aux images que      nous avons élaborées – celle que nous nous sommes créée de nous-mêmes, de notre famille, de nos relations, l’image que nous avons édifiée à travers nos plaisirs,  nos lien avec la société, nos lien avec toute chose. C’est précisément ce qui se passera à l’heure de notre mort.

12 novembre
Peur de la mort ?
Pourquoi avez-vous peur de la mort ? Est-ce parce que, peut-être, vous ne savez pas comment vivre ? Si vous viviez pleinement, auriez-vous peur de la mort ? Si vous aimiez les arbres, les couchers de soleil, les oiseaux, la feuille qui tombe, si vous étiez attentif aux hommes et aux femmes qui pleurent, aux pauvres, et si vous aviez vraiment de l’amour dans le cœur, auriez –vous peur de la mort ? (…) La vie pour vous n’est que souffrance, alors la mort vous intéresse beaucoup plus. Vous avez le sentiment que, peut-être, le bonheur sera présent après la mort. 

13 novembre
J’ai peur
Je vais maintenant examiner comment on peut se libérer de la peur du connu, c’est-à-dire  la peur de perdre ma famille, ma réputation, mon caractère, mon compte en banque, mes appétits, et le reste. Vous pouvez dire que la peur est un phénomène de conscience ; mais votre conscience est formée par votre conditionnement, par conséquent elle aussi est le résultat du connu. De quoi se compose le connu ? D’idées, d’opinions diverses, de ce sens de la continuité que l’on a par rapport au connu, et c’est tout…Il y a la peur de souffrir. La douleur physique est un réflexe nerveux ; mais la douleur surgit lorsque je m’accroche à des choses qui me sont agréables, car je redoute alors tout ce qui pourrait m’en priver. Les accumulations psychologiques  constituent un barrage à cette souffrance tant qu’elles ne sont pas menacées : je suis un paquet d’accumulations et d’expériences, qui s’opposent à tout ce qui pourrait les déranger, donc j’ai peur, et c’est du connu que j’ai peur, de ces accumulations physiques ou psychologiques dont je suis entouré pour empêcher l’affliction de se produire…

14 novembre
Seul ce qui meurt peut se renouveler
Lorsque nous parlons d’entité spirituelle, nous désignons par là ce quelque chose qui n’est évidemment pas enclos dans champ de l’esprit. Alors, le « je » est-il une entité spirituelle de ce type ? Si tel est le cas, il doit alors être au-delà même du temps ; il ne peut donc ni se perpétuer ni renaître. (…) Si le « je » est accessible à la pensée, c’est qu’il fait partie du temps ; ce « je » n’est pas affranchi du temps, et n’a donc rien de spirituel ; c’est évident. (…) Ce « je » - cette entité qui est un processus de pensée – peut-il jamais être quelque chose de neuf ? S’il ne peut pas, alors  il faut que la pensée s’achève. (…) Ce qui a une continuité ne peut jamais se renouveler. Tant que la pensée se perpétue à travers la mémoire, le désir, l’expérience, tout renouveau lui sera toujours interdit ; donc, ce qui se perpétue ne peut en aucun cas connaître l’ultime réalité. Vous aurez beau passer par mille renaissances, jamais vous ne connaîtrez la réalité authentique, car seul ce qui meurt, qui cesse d’exister, est capable de renouveau.





samedi 12 novembre 2016

La vie

N’est-il pas essentiel qu’il y ait, en permanence, un renouveau, une renaissance ? Si le présent est étouffé par l’expérience d’hier, aucun renouveau n’est possible. Toute notre tradition, tout notre arrière-plan passé nous incitent à éluder la question, ou à trouver des justificatifs, plutôt que d’en être curieux. Au lieu de lui accorder une attention passive, l’esprit cherche en permanence à agir sur le problème...Une expérience qui a été vécue de manière pleine et entière ne laisse derrière elle aucune trace. Seules les expériences inachevées laissent leur empreinte, donnant une continuité à la mémoire, qui s’identifie alors avec le moi.
Nous devons savoir vivre en un jour les quatre saisons, avoir une conscience aiguë de toutes nos expériences, les vivre et les comprendre – puis nous libérer de tout ce vécu engrangé chaque jour.
Et comme la chanson nous échappe, nous courons après le chanteur. Nous apprenons du chanteur la technique du chant, mais il n’y a pas de chanson ; et moi, je dis que l’essentiel, c’est la chanson, que l’essentiel, c’est la joie de chanter. Quand la joie est là, la technique peut se construire à partir de rien ; vous inventerez votre propre technique. Quand on a la joie, les yeux s’ouvrent, et l’acte de voir la beauté est un art en soi.
Si nous réussissons à savoir en quoi consiste cet esprit de coopération né de la compréhension du mécanisme global de l’esprit, et au sein duquel on est libéré de l’égo, alors il devient possible de créer une civilisation nouvelle, un univers totalement différent, où il n’est plus de soif de possession, d’envie, ni de comparaison. Et il ne s’agit nullement de théories, d’une utopie, mais de l’état effectif qui est celui d’un esprit qui, sans relâche, s’interroge, et poursuit ce qui est sain et vrai.
L’important n’est donc pas de demander : « Quel est le but de la vie, la finalité l’existence ? », mais de dissiper la confusion qui est en vous.
Si vous savez clarifier cette confusion qui est en vous, alors vous découvrirez quelle est la finalité de l’existence ; vous n’aurez plus besoin de la chercher ; la seule chose que vous ayez à faire, c’est vous libérer des causes qui sont responsables de la confusion.
Krishnamurti : Le livre de la vie et la méditation
1er novembre
Rompre avec ses habitudes
Nous devons donc chercher à comprendre tout ce processus d’instauration et d’abandon des habitudes. Nous pouvons prendre comme exemple le tabagisme. Et vous pouvez substituer à cet exemple une habitude, un problème qui vous est propre, et explorer directement votre problème, (…) Tant que je suis satisfait de la situation, cela ne constitue pas un problème. Il ne se pose que lorsque je suis obligé d’agir sur une habitude particulière devenue gênante. Fumer m’occasionne une gêne, je veux cesser de fumer, j’ai donc vis-à-vis de tabac une attitude de résistance ou de condamnation. Autrement dit, dès lors que je désire m’arrêter de fumer, j’ai tendance soit à refouler mon envie, soit à la condamner, soit à lui trouver un substitut. Par exemple, au lieu de fumer, je mâche du chewing-gum.  Puis-je donc avoir, sur ce problème de tabagisme, un regard sans la moindre trace de condamnation, de justification ou de répression, pas plus que de rejet ? 

2 novembre
Vivre en un jour les quatre saisons
(…) Le renouveau n’est pas l’action alternée de la naissance et de la mort ; il est au-delà des contraires ; seule la délivrance de toute cette accumulation des souvenirs peut susciter un renouveau, et il n’est de compréhension que dans le présent.
 L’esprit ne peut comprendre le présent que s’il ne juge ni ne compare ; c’est le désir de modifier ou de condamner le présent sans le comprendre qui donne au passé sa pérennité. Ce n’est qu’en comprenant, sans distorsion, le reflet du passé dans le miroir du présent, que naît le renouveau…
Une expérience qui a été vécue de manière pleine et entière ne laisse derrière elle aucune trace – ne l’avez-vous pas vous-même constaté ? Seules les expériences inachevées laissent leur empreinte, donnant une continuité à la mémoire, qui s’identifie alors avec le moi. Nous considérons le présent comme moyen d’accès à une fin, ce qui lui ôte son immense signification. Le présent, c’est l’éternel. Mais comment un esprit fabriqué, créé de toutes pièces, peut-il comprendre ce qui n’est le fruit d’aucune création, qui est au-delà de toute valeur – l’éternel ?
A mesure que surgit chaque expérience, vivez-la aussi pleinement et aussi intensément que possible ; réfléchissez-y, vivez-la jusqu’au bout, dans toutes ses dimensions, toute sa profondeur ; soyez conscient de tout ce qui s’y associe – le plaisir, la douleur, vos jugements et vos justifications. Ce n’est qu’une fois l’expérience achevée qu’il y a renouveau. Nous devons savoir vivre en un jour les quatre saisons, avoir une conscience aiguë de toutes nos expériences, les vivre et les comprendre – puis nous libérer de tout ce vécu engrangé chaque jour.

3 novembre
Une créativité anonyme
Avez-vous déjà songé à la question ? Nous voulons la célébrité, en tant qu’écrivain, poète, peintre, politicien, chanteur, que sais-je encore. Parce que nous n’aimons pas vraiment ce que nous faisons. Si vous aimiez chanter, ou peindre, ou écrire des poèmes – si vous aimiez vraiment cela –, vous ne vous inquiéteriez pas d’être célèbre ou non. Le désir de célébrité est une marque de mauvais goût, de trivialité, de stupidité, (…) Notre éducation actuelle ne vaut rien du tout, car elle nous apprend à préférer le succès à ce que nous faisons. L’importance du résultat prend le pas sur celle de l’action. 
C’est beau, pourtant, de garder secret l’éclat de son talent, d’être anonyme, d’aimer ce que l’on fait, sans ostentation. C’est bien d’être bon en taisant son nom.(…) Vous êtes simplement un être humain créatif, vivant  de façon anonyme, et il y a en cela une grande richesse, une grande beauté.

4 novembre
Des techniques creuses
Créativité et prouesse technique sont inconciliables. Vous pouvez jouer du piano à la perfection, et ne pas être créatif ; vous pouvez être un brillant pianiste, et ne pas être musicien. (…) La création précède la technique, et c’est pour cette raison que nous sommes malheureux tout au long de notre vie. Nous avons la technique – nous savons construire une maison, bâtir un pont, éduquer nos enfants selon un système (…) mais nos cœurs et nos esprits sont vides.
Nous sommes des machines de première classe ; nous savons fonctionner à merveille, mais nous n’aimons pas la moindre chose au monde. Certes, vous pouvez être un bon ingénieur, un bon pianiste, écrire dans un style parfait (…), mais la créativité, elle, ne s’acquiert pas par une technique. Si l’on a quelque chose à dire, on crée son propre style ; mais quand on n’a rien à dire, le style a beau être magnifique, c’est toujours la routine traditionnelle, la même vielle rengaine qui revient sous d’autres mots…Et comme la chanson nous échappe, nous courons après le chanteur. Nous apprenons du chanter la technique du chant, mais il n’y a pas de chanson ; et moi, je dis que l’essentiel, c’est la chanson, que l’essentiel, c’est la joie de chanter. Quand la joie est là, la technique peut se construire à partir de rien ; vous inventerez votre propre technique. Quand on a la joie, les yeux s’ouvrent, et l’acte de voir la beauté est un art en soi.

5 novembre
Savoir quand s’abstenir de coopérer
Les réformateurs, - politiques, sociaux et religieux – n’apporteront à l’homme que souffrances accrues, à moins qu’il ne comprenne les agissements de son propre esprit. C’est grâce à cette compréhension du mécanisme intégral de l’esprit que naît une révolution intérieure, surgit une action de coopération vraie, qui n’est pas une coopération soumise à un modèle, à une autorité, à quelqu’un « qui sait ». Quand vous saurez coopérer, à cause justement de cette révolution intérieure, vous saurez aussi quand vous abstenir de coopérer – chose très importante, peut-être la plus importante de toutes. (…) Si nous réussissons à savoir en quoi consiste cet esprit de coopération né de la compréhension du mécanisme global de l’esprit, et au sein duquel on est libéré de l’égo, alors il devient possible de créer une civilisation nouvelle, un univers totalement différent, où il n’est plus de soif de possession, d’envie, ni de comparaison. Et il ne s’agit nullement de théories, d’une utopie, mais de l’état effectif qui est celui d’un esprit qui, sans relâche, s’interroge, et poursuit ce qui est sain et vrai.

6 novembre
La criminalité, pourquoi ?
(…) La révolution complète, extérieure à la société, c’est ce que j’appelle la révolution religieuse. Toute révolution qui n’est pas religieuse reste limitée au contexte social ; ce n’est donc en aucun cas une révolution ; c’est la continuation modifiée, des anciens schémas.
(…) Grâce à une éducation adéquate, nous pourrions peut-être faire éclore une compréhension différente, en contribuant à libérer l’esprit de tout conditionnement – c’est-à-dire en encourageant les jeunes à être attentifs aux multiples influences qui conditionnent l’esprit et l’asservissent au conformisme.

7 novembre
Le but de la vie
(…) Quel but peut bien avoir votre vie, alors que vous êtes vous-même en pleine confusion ? (…) Comment puis-je trouver une réponse véridique alors même que je suis plongé dans la confusion, la réponse que je  reçois ne peut être elle-même que confuse. Si j’ai l’esprit confus, perturbé, toute réponse, quelle qu’elle soit, me parviendra à travers cet écran de confusion, d’angoisse, et de peur ; par conséquent, la réponse sera pervertie. L’important n’est donc pas de demander : « Quel est le but de la vie, la finalité l’existence ? », mais de dissiper la confusion qui est en vous. C’est comme un aveugle qui demanderait : « Qu’est ce que la lumière ? » Si je lui explique ce qu’est la lumière, il écoutera en fonction de sa cécité, des ténèbres qui sont les siennes ; mais supposons qu’il puisse voir – dans ce cas, jamais il ne demandera « Qu’est-ce que la lumière ? » puisque la lumière est là.