mercredi 30 mars 2016

La peur

photographe : Magüi Trujillo
         L’esprit peut-il se vider complètement de toute peur ?  La peur, quelle qu’en soit la nature, engendre l’illusion ; elle rend l’esprit terne et creux. La peur exclut évidement toute liberté, et sans liberté n’est point d’amour.
Ce que je mets en question, c’est l’autodéfense psychologique qui fait que nous craignons la maladie, la mort ou un ennemi.
L’essentiel est donc de prendre conscience de tout ce processus du moi, de l’observer, d’apprendre à le connaître, et non de chercher à savoir comment se débarrasser de la peur.
La peur trouve des évasions de formes différentes. La plus commune est l’identification – l’identification avec un pays, avec la société, avec une idée. N’avez-vous pas remarqué la façon dont vous réagissez lorsque vous assistez à un défilé militaire ou à une procession religieuse…
Savez-vous maintenant ce qu’est la peur ? N’est-ce point la non-acceptation de ce qui est ?
Le temps signifie partir de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ».
Le temps, c’est la pensée : c’est la pensée qui engendre la peur (de la mort) ; et le temps - qui est la pensée - tient entre ses mains toutes les complexités, toutes les subtilités de la peur.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

22 mars
Se libérer de la peur
(…) Des peurs, nous en avons à la douzaine. Est-il donc possible d’être totalement libre de toute peur ? (...) Le réflexe instinctif, physique, d’autodéfense, qui nous pousse à nous tenir à distance du serpent venimeux, à nous éloigner du précipice, (…) est une réaction sensée, normale et saine.
 (…) Lorsqu’on cherche à se réaliser, de quelque façon de ce soit – à travers la peinture, la musique, la relation, que sais-je encore -, la peur est toujours présente.
(…) Si votre unique but est de vous débarrasser de la peur, vous trouverez toujours un moyen, une manière de la fuir et ainsi nul ne pourra jamais être libéré de la peur. 

23 mars 
Comment venir à bout de la peur
(...) êtes-vous décidé à être assez courageux pour  affronter les événements de la vie, ou allez-vous éluder la peur à grand renfort de rationalisation, ou trouver des explications qui satisferont un esprit prisonnier de la peur? Comment en venir à bout? 
Est-ce en allumant la radio, en lisant un livre, en allant au temple, en vous raccrochant un dogme, à une croyance? 

La peur est, en l'homme, l'énergie qui détruit. Elle flétrit l'esprit, elle gâchait la pensée, elle conduit à toutes sortes de théories extraordinairement habiles et subtiles, de superstitions, de dogmes et de croyances. Si vous voyez que la peur est destructrice, alors comment allez-vous vous y prendre pour en effacer toute trace dans votre esprit? Vous dites que fouiller les racines de la peur vous en libérerait. Mais est-ce bien exacte? Essayer d'en découvrir les causes et d'en connaître l'origine ne suffit pas à éliminer la peur. 

24 mars
Les portes de la compréhension 
On ne peut pas faire disparaître la peur sans comprendre, sans explorer vraiment en profondeur la nature du temps, c'est-à-dire de la pensée, c'est-à-dire du mot. D'où notre question : existe-t-il une pensée en dehors du mot, existe-t-il une pensée sans le mot qui est le mémoire ? (...) Il faut considérer la peur dans le contexte global de l’esprit. Et pour voir, pour explorer tout cela en profondeur, il faut de l’énergie. (...) et cette énergie se dissipe lorsque vous vous battez à coup de mots, que vous résistez, que vous condamnez, que vous êtes imbu d'opinions qui vous empêchent de regarder, de voir - toute votre énergie y passe. Donc, en accordant votre considération à cette perception, à cette observation, vous ouvrez à nouveau les portes.

25 mars
La peur nous pousse à obéir 
Pourquoi ne faisons-nous qu'obéir, suivre et imiter?  Pourquoi?  Parce qu'à l'intérieur de nous-mêmes, nous redoutons l'incertitude. Nous voulons des certitudes, financières, morales, nous voulons être approuvés, être en position de sécurité, éviter à tout prix d'être confrontés aux problèmes, à la douleur, à la souffrance, nous voulons être en lieu sûr. (...) Peu importe qu'on obéisse ou qu'on soit obéi ; ce qui compte, c'est de comprendre cette peur, jour après jour, et de comprendre les multiples visages de la peur. Ce n'est qu'une fois que l'on est libéré de la peur qu'apparaît cette qualité intérieure de compréhension, cette solitude dans laquelle il n'est aucune accumulation de savoir ou d'expérience, et c'est cela et cela seul qui peut apporter, dans cette quête du réel, une lucidité extraordinaire. 

26 mars 
Face à face avec le fait 
De quoi avons-nous peur ? Est-ce d’un fait ou d’une idée concernant le fait ? (…) Avons-nous peur du fait de la mort ou de l'idée de la mort? Le fait réel et l'idée que l'on s'en fait sont deux choses très différentes. Si j'ai peur de l'idée, du mot mort, je ne comprendrai jamais le fait, je ne le verrai jamais, je ne serai jamais en contact direct avec lui. Ce n'est que lorsque je suis en communion complète avec le fait que je ne crains pas. (...) Si je suis libre d'affronter le fait, il n'y a rien à comprendre : le fait est là, et je peux agir. Si par contre j'ai peur du mot, c'est le mot que je dois comprendre ; je dois entrer dans tout le processus que le mot, que l'idée impliquent ...
Ce qui cause la peur, ce sont mes opinions, mes appréhensions au sujet du fait, mais pas le fait lui-même. (...) La pensée est le produit du passée, elle n'existe qu'au moyen de mots, de symboles, d'images ; et tant qu'elle commente ou traduit un fait, il y a forcément de la peur.

27 mars 
Au contact de la peur 
Il y a la peur physique. Par exemple, quand vous voyez un serpent, un animal sauvage, la peur naît instinctivement : cette peur est normale, saine, naturelle. Ce n'est pas de la peur, c'est le désir de se protéger - qui est normal. Mais l'autoprotection d'ordre psychologique - c'est-à- dire le désir de certitude permanente - engendre la peur. Un esprit qui veut toujours être sûr de tout est un esprit mort, car il n'y a dans la vie aucune certitude, aucune permanence ...Lorsqu'on entre en contact direct avec la peur, il y a une réponse du système nerveux, et ainsi de suite. Alors, lorsque l'esprit cesse de fuir dans les mots et dans des activités de tous ordres, il n'y a plus de division entre l'observateur et l'objet de son observation, qui est la peur. (...) Quand il y a réellement contact avec la peur, il n'y a  pas d'observateur, d'entité qui dit : « j'ai peur ». Donc, dès l'instant où vous entrez en contact direct avec la vie, (...) il n'y a plus division - c'est cette division qui engendre la compétition, l'ambition, la peur.
(...) Si vous comprenez la peur - ce qui ne peut se produire que lorsque vous entrez en contact direct avec elle, comme vous êtes en contact avec la faim, (...) alors vous agissez efficacement ; ce n'est qu'alors que vous vous apercevrez que cesse toute peur - et nous disons bien toute peur, et non telle ou telle forme de peur.

28 mars
La peur est la non-acceptation de ce qui est 
(…) L’identification est un processus d’oubli de soi : tant que je suis conscient du « moi » je sais qu’il y a là de la souffrance, des conflits, une peur incessante. Mais si je peux m’identifier à quelque chose de grand, et de réellement valable, tel que la beauté, la vie, la vérité, la croyance, le savoir, ne serait-ce que temporairement, J’échappe au « moi », n’est-ce pas ?
(…) Savez-vous maintenant ce qu’est la peur ? N’est-ce point la non-acceptation de ce qui est ? Il nous faut comprendre le mot acceptation. Je ne l’emploie pas dans le sens d’un effort que l’on peut faire pour accepter. La question d’accepter ou non ce qui est ne se pose pas si je le perçois clairement. C’est lorsque je ne le vois pas clairement que je fais intervenir le processus d’acceptation. La peur est donc la non-acceptation de ce qui est.

29 mars
Ce désordre que crée le temps
Le temps signifie partir de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ».J’ai peur, mais un jour je serai libéré de la peur ; le temps est donc nécessaire à cette libération – du moins, nous le croyons. (…) La peur me déplaît, et je vais faire un effort pour la comprendre, l’analyser, la disséquer, ou en découvrir la cause, ou encore la fuir totalement. Tout cela suppose un effort – et nous sommes habitués aux efforts. (…) « Ce que je suis » ne peut se modifier que si je comprends le désordre que suscite le temps. (…) Si je laisse persister la peur, je vais susciter un désordre perpétuel ; on voit donc que le temps est un élément de désordre, et non un moyen de se délivrer définitivement de la peur.il n’existe donc pas de processus graduel permettant de se débarrasser de la peur.

30 mars 
Quel regard ai-je sur la colère?

Le regard que je porte sur la colère est évidemment celui de l’observateur en colère. Je dis : « je suis en colère ». Dans le feu de la colère, il n y a pas de « je » ; le « je » se manifeste tout de suite après – ce qui implique le temps. Puis-je regarder le fait sans qu’intervienne le facteur temps, qui est la pensée, qui est le mot ? C’est ce qui se produit quand l’observation a lieu sans l’observateur. (…) Je commence à présent à me rendre compte qu’il peut exister une vraie vision une perception sans opinion, sans conclusions préalables, sans condamnation ni jugement. Donc, je sais qu’il est possible de « voir » sans qu’intervienne la pensée, c’est-à-dire le mot. L’esprit est hors de portée des griffes des idées, des conflits de dualité et de tout le reste. Puis-je alors considérer la peur autrement que comme un fait isolé ?

Si l’observation d’un fait isolé n’a pas suffi à vous ouvrir totalement les portes sur l’univers de l’esprit, alors il faut revenir au fait, et recommencer, en examiner d’autres, jusqu’à ce que vous commenciez vous-même à voir cette chose extraordinaire qu’est l’esprit, que vous en ayez la clé, que puissiez ouvrir les portes, et faire irruption dans cet univers…
(…) A l’instant même où vous ouvrez les portes, toute peur est complètement balayée. 
un espace de  trop

31 mars
La racine de toute peur
(…) L’état de non-peur, ce n’est ni la négation, ni le contraire de la peur, ce n’est pas non plus le courage. (…) Tout devenir porte en lui le germe de la peur. La dépendance par rapport aux objets, aux personnes ou aux idées a pour origine l’ignorance,  l’absence de connaissance de soi, la pauvreté intérieure ; la peur suscite l’incertitude dans notre univers mental et affectif, bloquant toute communication et toute compréhension. Grace à la connaissance de soi nous commençons à découvrir et à comprendre les causes de la peur – non seulement des peurs superficielles, mais de toutes les peurs accumulées, les peurs profondes, originelles.
La peur est à la fois innée et acquise ; elle est liée au passé, et pour délivrer de la peur notre système de pensée-perception, le passé doit être compris à travers le présent. Le passé ne cesse de vouloir donner naissance au présent qui devient la mémoire identificatrice du « moi » et du «  mien », du « je ».  L’ego est la racine de toute peur.












mercredi 23 mars 2016

La relation


De toute évidence, ce n'est que dans la relation que se révèle le mécanisme de ce que je suis - ne croyez-vous pas? 

Toute relation est un miroir dans lequel je me vois tel que je suis...Ce que je suis, je le projette.
La fonction de toute relation est de révéler l'état de notre moi tout entier. 
Lorsque je me comprends, je vous comprends, et de cette compréhension naît l'amour.
L'amour est le facteur manquant : nos relations manquent d'affection, de chaleur humaine; et parce cet amour, cette tendresse, cette générosité, cette compassion sont absents de nos relations, nous fuyons dans l'action de masse...
                                         
Nous ne voulons pas savoir ce que nous sommes réellement à un point donné de la relation. Si notre seule préoccupation est le perfectionnement du moi, cela exclut toute compréhension de nous-mêmes, de ce qui est.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

15 mars
Toute relation est un miroir 
Comme nous n'aimons généralement guère ce que nous sommes, nous commençons à réformer, dans un sens positif ou négatif, ce que nous percevons dans le miroir de la relation.  (...) Des l'instant où il y a un schéma préétabli de ce que je devrais être, il n'y a plus aucune compréhension de ce que je suis. Dès que j'ai une image de ce que je veux être, ou de ce que je devrais être, ou ne pas être - une norme selon laquelle je veux me modifier- alors, assurément, toute compréhension de ce que je suis au moment de la relation devient impossible.  

16 mars 
 La fonction de la relation
Toute relation est inévitablement douloureuse, ce dont notre existence quotidienne donne ample témoignage. Une relation où n'entre aucune tension cesse d'en être une, elle n'est plus qu'une drogue, un soporifique qui endort confortablement – et c’est ce qui convient le mieux à la plupart d’entre nous. Il y a conflit entre ce désir intense de réconfort et la situation effective, entre l'illusoire et le fait. Si vous reconnaissez l'illusion, alors vous pouvez, en la dissipant, consacrer toute votre attention à la compréhension de la relation. Mais si vous recherchez la sécurité dans la relation, celle-ci devient un investissement de confort, un capital d'illusions - alors que c'est l'absence même de sécurité de toute relation qui en fait la grandeur. 
(…) La relation est un processus de révélation et de connaissance de soi. Ce dévoilement de soi est douloureux, il exige des ajustements constants, une souplesse permanente de notre système intellectuel et émotionnel. C'est une lutte difficile, avec des périodes de paix lumineuse ... Mais en général nous cherchons à éviter ou éliminer la tension dans la relation, lui préférant la facilité et le confort d'une dépendance béate, d'une sécurité incontestée, d'un havre sûr. 
(...) Il n'existe de sécurité dans aucune relation, et la dépendance n'entendre que la peur. Si l'on ne comprend pas ce processus de sécurité et de peur, la relation devient une entrave, un piège, une forme d’ignorance. (...).

17 mars
Comment peut-il y avoir amour véritable ?   
 L'image que vous avez d'une personne, (...) cette image est le fruit de toutes vos relations, de toutes vos peurs, de tous vos espoirs. (...) C'est avec cette image que vous regardez. (...) Comment deux images, qui sont le résultat de la pensée, du plaisir, et ainsi de suite, peuvent-elles avoir de l'affection ou de l'amour ?  

18 mars
Nous sommes ce que nous possédons 
Pour comprendre la relation, il faut avoir des choses une conscience passive, qui ne détruise pas la relation, mais qui, au contraire, lui insuffle un surcroît de vitalité et de sens. Il y a alors dans cette relation une possibilité d'affection réelle, une chaleur, une proximité, et il ne s'agit pas d'un simple sentiment, ni d'une simple sensation. Et si nous pouvons aborder ainsi toute chose, avoir avec toute chose cette même relation, alors nos problèmes - de propriété, de possession - se résoudront aisément. Car nous sommes ce que nous possédons Il en va de même avec les idées ou les personnes : (...) lorsqu'il y a possessivité, il n'y a pas relation. Mais, dans plupart des cas, nous possédons parce que, sans cela, nous sommes totalement démunis. Nous sommes une coquille vide si nous ne possédons pas, (...) être conscient de tout le contenu de la relation, c'est cela, l'action, et à partir de cette action une véritable relation devient possible, et il devient possible d'en découvrir la profondeur, la signification immenses - et de savoir ce qu'est l'amour. (…)Nous avons le cœur rempli de plans de réformes mondiales, au lieu de nous tourner vers l'unique élément de solution - l’amour. 

19 mars
Être en relation 
(...) Être, c'est être relié ... Il semble qu'en général nous ne comprenons pas que le monde, c'est ma relation à l'autre, que l'autre soit un ou multiple. Mon problème est celui de la relation. Ce que je suis, je le projette - et, bien sûr, si je ne me comprends pas moi-même, tout mon cercle relationnel n'est qu’une confusion qui va s'élargissant. (...) 
Nous nous disons : " Que puis-je faire à titre personnel ? Je dois absolument m'enrôler dans un mouvement de masse afin de faire des réformes." Au contraire, la vraie révolution ne se fait pas par l'intermédiaire des mouvements de masse mais grâce à une réévaluation interne de nos relations - c'est uniquement là qu'est la vraie réforme, la révolution radicale et permanente.
 (...) Il ne fait aucun doute que nous devons attaquer le problème au niveau le plus élémentaire, et le niveau élémentaire c'est le "vous" et le "moi".
(…) Nous avons le cœur rempli de plans de réformes mondiales, au lieu de nous tourner vers l'unique élément de solution - l’amour. 

20 mars 
Le problème, c'est vous et moi 
(...) Le monde, la société, sont les relations que nous établissons, ou que nous essayons d'établir entre nous. Ainsi le problème n'est autre que vous et moi, et non le monde, car le monde est la projection de nous-mêmes, et pour le comprendre nous devons nous comprendre. 
(...) Nous sommes le monde, et nos problèmes sont les siens.

21 mars
Vivre seul, cela n'existe pas
Nous voulons fuir notre solitude, et ses peurs paniques, c’est pourquoi nous dépendons des autres, nous tirons profit de leur compagnie, et ainsi de suite. Nous sommes maître d’un jeu dont les autres deviennent les pions, et quand le pion change de rôle et exige à son tour, nous sommes choqués et peinés. (…) Il faut tendre toutes nos énergies non seulement vers la compréhension des pressions et des demandes extérieures dont nous sommes responsables, mais vers la compréhension de nous-mêmes, de notre solitude, de nos peurs, de nos demandes et de nos fragilités.

Vivre seul, cela n’existe pas, car vivre c’est toujours être en relation ; mais vivre sans avoir de relations directes requiert une grande intelligence, une connaissance plus vive, plus vaste, au service de la connaissance de soi. Un existence «  solitaire », s’il y manque cette conscience aiguë et fluide, renforce les tendances déjà dominantes, et provoque un déséquilibre, une distorsion. C’est maintenant qu’il faut prendre conscience du jeu et des habitudes particulières de notre système de « pensée-perception» qui accompagnent le vieillissement, et c’est en les comprenant que nous nous en défaisons. Seule les richesses intérieures apportent la paix et la joie.   


vendredi 11 mars 2016

L'attachement


Sans l'attachement, notre conditionnement existe-il?
Certainement pas. Pourquoi donc sommes-nous attachés?
Le détachement n’existe pas : seul existe l’attachement. L’esprit invente le détachement par réaction face à la douleur de l’attachement.
Seul un esprit stupide cultive le détachement. Toutes les écritures disent : « soyez détachés », mais quelle est la vérité en la matière ? 
L’attachement est l’illusion du moi, une tentative pour fuir le vide du moi.
La compréhension des voies de l’habileté, des voies de l’ego, est le commencement de l’intelligence.
Dans l'état de passion spontanée sans cause, il est une intensité libre de tout attachement.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie



8 mars
La culture du détachement
Lorsque vous réagissez à l’attachement en devenant « détaché », c’est que vous êtes attaché à quelque chose d’autre. Tout ce processus est donc celui de l’attachement. (…) Vous voulez échapper à la douleur de l’attachement, et votre fuite consiste à trouver quelque chose à quoi vous croyez pouvoir vous attacher. Il n’y a donc rien que l’attachement.

9 mars               
L’attachement est l’illusion du moi  
Nous sommes les choses que nous possédons. (…) Il n’y a aucune noblesse dans l’attachement. L’attachement au savoir ne diffère en rien de toute forme de dépendance agréable. (…) Les choses auxquelles nous sommes attachés – bien, personnes, idées – deviennent de la plus haute importance, car, privé des multiples choses qui comblent sa vacuité, le moi n’existe pas. La peur de n’être rien incite à posséder, et la peur engendre l’illusion, l’asservissement aux  conclusions. Les conclusions, matérielles ou idéologiques, font obstacle à l’épanouissement de l’intelligence, à cette liberté sans laquelle la réalité ne peut pas se faire jour ; et sans cette liberté, l’habileté passe pour de l’intelligence. (…) C’est cette habileté, protectrice du moi, qui conduit à l’attachement ; et c’est cette même habileté qui recherche de la renonciation.   

10 mars
Affrontez le fait, pour voir…  
(…) Nous sommes, au plus profond de nous, immensément seuls et vides. Nous sommes généralement incapables de faire face à ce vide, à cette solitude, et nous les fuyons. La dépendance est l’une des choses dans lesquelles nous trouvons un refuge, bientôt indispensable, parce que nous ne supportons pas d’être seuls à nous-mêmes. Il nous faut la radio, des livres, des conversations, des bavardages incessants sur ceci et cela, sur l’art et la culture.(…) et cet énorme vide est là, au fond de nous.(…) La question n’est pas de savoir comment se délivrer de la dépendance, car, loin d’être un fait, elle n’est que la réaction à un fait… Pourquoi ne pas affronter le fait, pour voir ce qui se passe ?
(…) L’observateur dit : « Je suis vide ; cela ne me plaît pas », et il prend la fuite. L’observateur dit : Je suis distinct du vide ».Or, l’observateur est le vide, il n’est plus question d’un vide vu par un observateur. L’observateur est la chose observée. Lorsque cet événement se produit, il s’opère dans la pensée, dans la perception, une formidable révolution.   

11 mars
L’attachement est une fuite    
(…) Le conflit existe lorsqu’il n’y a pas intégration entre le défi et la réponse au défi. Ce conflit est le résultat de notre conditionnement. Le conditionnement, c’est l’attachement – (…) L’objet d’attachement me permet d’échapper à mon propre vide. L’attachement est une fuite, et c’est la fuite qui renforce le conditionnement.

12 mars
Etre seul
Etre seul – ce qui n’a rien à voir avec une philosophie de la solitude – c’est de toute évidence être dans une situation révolutionnaire, en opposition avec tout l’édifice social – (…) Cette solitude  est le source d’humilité. C’est cette solitude, et non le pouvoir, qui connaît l’amour. Et si l’on voit bien tout cela, on a alors cette qualité d’existence totale, et donc d’action totale. Tout cela advient grâce à la connaissance de soi. 

13 mars
Le désir est toujours le désir
 (…) Le détachement est identique à l’attachement, puisqu’il est source de satisfaction. Nous sommes donc en fait en quête de satisfaction. Nous brûlons d’être satisfait, par n’importe quels moyens.
Nous sommes dépendants ou attachés parce que cela nous donne un plaisir, une sécurité, un pouvoir, une sensation de bien-être, même s’ils sont mêlés de souffrance et de peur.
(…) Le désir peut-il être jamais satisfait, ou n’est-ce que un puits sans fond ? Que notre désir s’attache à des choses basses ou nobles, le désir, le brasier du désir est toujours le même, et de ce qu’il consume il ne reste bientôt plus que cendres ; mais le désir de gratification demeure, toujours aussi ardent, et continue, sans fin, de tout consumer.

14 mars
Une intensité libre de tout attachement
Dans l’état de passion spontanée, sans cause, il est une intensité libre de tout attachement ; mais dès lors que la passion a une cause, il y a attachement et l’attachement est le commencement de la souffrance
                              
                              
                     

vendredi 4 mars 2016

La dépendance

Pictures courtesy of Krishnamurti Foundation Trust Ltd
Avez-vous déjà examiné la question de la dépendance psychologique ? Si vous l’approfondissez vraiment, vous constaterez que nous sommes presque tous terriblement seuls. Nous avons le plus souvent un esprit tellement superficiel et vide ! Nous ignorons le plus souvent ce que signifie l’amour. C’est cette solitude, cette insuffisance, cette privation de vie, qui nous incite à nous attacher à quelque chose.
 La peur de l’incertitude, la peur de n’être rien, conduit à l'attachement, à la possession.
Le "moi" est la possession.
L'amour seul partage, seul il peut communier ; mais le renoncement et le sacrifice de soi sont les voies de l'isolement et de l'illusion.
                   Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie



 

1er mars
L’esprit libre est humble
(…) Toute forme de résistance engendre une dépendance. Et l’esprit qui est dépendant ne peut jamais être libre. (…) Un esprit qui est libre a en lui l’essence de l’humilité. Cet esprit-là, qui est libre, et par conséquent plein d’humilité, est capable d’apprendre, contrairement à l’esprit qui résiste. Apprendre est une chose extraordinaire – apprendre,  et non accumuler des connaissances. L’accumulation du savoir est une tout autre affaire. Ce que nous appelons le savoir est relativement facile, car c’est un mouvement qui va du connu vers le connu. Mais apprendre est un mouvement du connu vers l’inconnu – c’est seulement ainsi que l’on apprend, n’est-ce pas ?

2 mars
Une dépendance jamais remise en cause
(…) Est-il possible que l’esprit  puisse jamais se libérer de ce sentiment de dépendance ?
(…) Jamais nous ne nous demandons pourquoi chacun d’entre nous est en quête d’une certaine forme de dépendance. N’est-ce pas par ce qu’il y a au plus profond de nous cette exigence réelle de sécurité, de permanence ? Plongés dans un état de confusion, nous voulons que quelqu’un d’extérieur nous tire de cet état. Nous  cherchons donc sans cesse le moyen de fuir ou d’éviter l’état dans lequel nous nous trouvons. (…) Mais jamais nous ne remettons fondamentalement en question le problème de la dépendance en soi. Pourquoi sommes-nous dépendant ?
Si nous parvenons à explorer le cœur de ce problème, de manière intelligente et pleinement lucide, alors peut-être découvrirons-nous que la dépendance n’est pas du tout le vrai problème – ce n’est qu’un moyen de fuir une réalité plus profonde.

3 mars
Les causes profondes de la dépendance
(…) Quel est donc le problème fondamental ? Est-ce la haine et la crainte qui hantent l’esprit à l’idée d’être seul ? Mais cet état qu’il essaye d’éviter, l’esprit le connaît-il ? Tant que la solitude n’est pas réellement comprise, ressentie, pénétrée, dissipée – peu importe le terme -, tant que persiste ce sentiment de solitude, la dépendance est inévitable, et on ne peut jamais être libre ; on ne peut jamais découvrir par soi-même ce qu’est la vérité, ce qu’est la religion.

4 mars
Une conscience plus profonde
La dépendance déclenche un double mouvement de distance et d’attachement, un conflit perpétuel et sans issue, s’il n’est pas compris. (…) Si vous devenez intensément perceptif, et si vous attelez consciemment votre pensée à la compréhension de la pleine signification du besoin et de la dépendance, votre esprit conscient sera ouvert et lucide à ce sujet ; alors le subconscient avec ses mobiles cachés, ses exigences, et ses intentions occultes, se projettera dans le conscient. C’est alors le moment où il faut étudier et comprendre tous les messages de votre inconscient. (…) Ainsi s’installe une conscience permanente qui, avec patience et douceur, apportera l’intégration ; et pour peu que votre santé et votre alimentation soient correctes, cela vous apportera en retour la plénitude totale.

5 mars
La relation
Quelle que soit notre interdépendance, nous nous utilisons réciproquement en vue de certaines fins, des certains buts.  Si elle vise une fin, la relation n’est pas. Vous pouvez m’utiliser, et je peux, moi aussi, vous utiliser. Mais dans cette utilisation  mutuelle, nous perdons contact. Une société fondée sur l’exploitation mutuelle est le fondement de la violence. Lorsque nous utilisons autrui, nous n’avons d’autre image en tête que le but à atteindre. Cette finalité, ce gain, font obstacle à toute relation, à toute communion. Dans l’utilisation de l’autre, si gratifiante et si rassurante soit-elle, il entre toujours de la  peur. Pour éviter cette peur,  il nous faut posséder. Cette possession suscite la jalousie, la défiance, et les conflits perpétuels. Une telle relation ne peut jamais apporter le bonheur.
 (…) Comment pouvez-vous communier avec autrui si vous vous servez de lui comme d’un meuble, à votre convenance et pour votre confort ? Il est donc essentiel de comprendre le sens de la relation dans la vie quotidienne.

6 mars
Le « moi » et la possession
Nous possédons parce que sans possession nous ne sommes rien. Les possessions sont multiples et variées. Celui qui ne possède pas de biens matériels peut être attaché au savoir, aux idées, un autre peut être attaché à la vertu, un autre à l’expérience, un autre au nom et à la renommée, et ainsi de suite. Sans possession, le «  moi » n’est pas; le « moi » est la possession, le mobilier, la vertu, le nom. (…) lorsque la possession est insatisfaisante, ou devient douloureuse, nous y renonçons au profit d’un attachement plus agréable.
(…) Tant que vous ne voulez pas être rien, ce qu’en fait vous êtes, vous engendrez immanquablement la souffrance et l’antagonisme. Accepter de n’être rien n’est pas affaire de renonciation, d’obligation intérieure ou extérieure, mais de voir la vérité de ce qui est. Voir la vérité de ce qui est libère de la peur de l’insécurité, cette peur qui engendre l’attachement et conduit à l’illusion du détachement, du renoncement. L’amour de ce qui est est le commencement de la sagesse.

7 mars
L’exploiteur exploité   
(…) Nous aimons généralement exploiter et être exploité, et ce système en donne les moyens, qu’ils soient secret ou qu’ils s’étalent au grand jour. Exploiter c’est être exploité. Le désir d’utiliser les autres pour ses propres fins psychologiques mène à la dépendance, et lorsque vous dépendez, vous devez possédez, détenir ; et ce que vous possédez vous possède.
Sans une dépendance, subtile ou grossière, si vous ne possédez pas des choses, des gens et des idées, vous êtes vide, vous êtes une chose sans importance. Vous voulez être quelque chose, et pour échapper à cette peur de n’être rien, qui vous ronge, vous appartenez à telle ou telle organisation, telle ou telle idéologie, telle église ou tel temple, vous êtes donc exploité et à votre tour vous exploitez.