mardi 31 mai 2016

Le conditionnement

Pour libérer l’esprit de tout conditionnement, il faut en avoir une vision totale, mais en l’absence de toute pensée. La pensée ne peut jamais être libre : elle est le fruit de notre conditionnement, de notre vécu, de notre culture, de notre climat, de notre environnement social, économique et politique. Tout conditionnement est douloureux. Le désir d’être, ou de ne pas être, entraîne le conditionnement.... Le fait d’être libéré du conditionnement n’est qu’un produit accessoire, sans importance. L’important, c’est de comprendre ce qui crée le conditionnement.
Je crois que c’est une des choses les plus ardues que d’être conscient, parce que nous sommes happés par les problèmes immédiats et leurs solutions immédiates, ce qui rend notre existence très superficielle. 
Si vous observez soigneusement votre pensée, vous verrez que, bien que ses réactions soient très rapides, il y a des trous, des arrêts entre une pensée et l’autre. Entre deux pensées il y a une période de silence, laquelle n’est pas reliée au processus de la pensée. Si vous l’examinez, vous verrez que cette période de silence, que cet intervalle, n’appartient pas au temps... Si vous avez simplement conscience de l’ensemble des structures de l’habitude, sans résistance, vous découvrirez alors qu’il est possible de s’en libérer, et cette liberté débouche sur quelque chose de neuf.           
                Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
22 mai
Toute pensée reste fragmentaire
Vous et moi sommes conscients d’être conditionnés. Si vous dites, comme le font certains, que le conditionnement est inévitable, alors le débat est clos : vous êtes un esclave, et c’est terminé. Mais si vous commencez à vous demander s’il serait peut-être possible de rompre ces servitudes, ce conditionnement, alors le débat est ouvert. (…) Pour commencer, voyez simplement le problème, ne cherchez pas de réponse, de solution. C’est un fait que nous sommes conditionnés, et que toute pensée visant à comprendre ce conditionnement ne sera toujours que fragmentaire, il n’y a donc jamais compréhension totale ; or la liberté n’existe que dans la compréhension totale de tout l’ensemble du processus de la pensée.

23 mai
Se libérer du moi
(…) Avez-vous déjà écouté, regardé, sans faire intervenir tout ce mécanisme de réaction ? Vous allez dire qu’il est impossible d’observer sans interposition de la pensée ; (…) voir, voir tout simplement, est une tâche si ardue que nous la disons impossible. Je dis que ce n’est que lorsque vous avez conscience – mais sans qu’il agisse d’une réaction – de cette totalité de votre être, que s’efface le conditionnement, totalement et jusqu’aux niveaux les plus profonds – et c’est cela, être véritablement libéré du moi.

24 mai
Problèmes observés, problèmes envolés ?
Il est évident que toute pensée est conditionnée. Il n’existe pas de pensée libre.
(…) Vos lectures mêmes, les pratiques qui vous sont propres, font partie de ce vécu. (…) Alors, est-il possible d’être conscient, simplement conscient de notre conditionnement, et rien de plus ? – dans ce cas là, il n’y a pas l’ombre d’un conflit. Cette conscience même, pour peu qu’on lui donne l’occasion de se manifester, est peut-être en mesure de réduire en cendres les problèmes.

25 mai
Aucun conditionnement n’est noble
(…) Ayant pris conscience du modèle ou du moule dans lequel vous avez été élevé, vous voulez vous en libérer ; ce désir de liberté ne conditionnera-t-il  pas l’esprit à son tour, mais d’une manière différente ? (…) Il y a d’un côté le désir qui débouche sur le conformisme, et de l’autre le désir de liberté. (…) Ces deux désirs ne sont-il pas fondamentalement semblables ? Et si tel est le cas, cette quête de la liberté est vaine, indéfiniment. Il n’existe aucun conditionnement qui soit noble ou meilleur qu’un autre. Tout conditionnement est douloureux. Le désir d’être, ou de ne pas être, entraîne le conditionnement, et c’est ce désir qu’il nous faut comprendre.

26 mai
S’affranchir du conditionnement
Le désir de se libérer du conditionnement a pour seul effet de le renforcer. Mais si, au lieu d’essayer d’étouffer ce désir, on en comprend tout le processus, cette compréhension même est ce qui permet de se libérer du conditionnement. (…) Si je me fixe délibérément pour but de me libérer de mon conditionnement, ce désir crée à son tour un autre conditionnement. Je peux détruire une forme de conditionnement, mais je deviens victime d’une autre. Alors, que si nous comprenons ce désir de libération, cette compréhension même suffit à détruire tout conditionnement. Le fait d’être libéré du conditionnement n’est qu’un produit accessoire, sans importance. L’important, c’est de comprendre ce qui crée le conditionnement.

27 mai
Etre simplement conscient
(…) Je pense donc que notre questionnement ne doit pas avoir pour but de résoudre nos problèmes immédiats, mais de découvrir si le contenu de l’esprit – le conscient, mais aussi le niveau inconscient de l’esprit, où sont emmagasinés tous les souvenirs, toutes les traditions, tout l’héritage de l’espèce -, si tout cela, donc, peut être éliminé. Je crois que cela, n’est possible que si l’esprit est capable d’être conscient, sans aucune notion d’exigence, de pression – capable d’être simplement conscient. 
 (…) Je crois que la compréhension, le moyen de pénétrer au cœur, au plus profond des choses, passe par la conscience - la simple perception de nos pensées et de nos sentiments, sans condamnation, sans comparaison -, la simple observation. Vous constaterez, si vous tentez l’expérience, l’extraordinaire difficulté de la chose, parce que nous sommes essentiellement formés, rodés à condamner, à approuver, à comparer. 

28 mai
Rien dans l’esprit n’échappe au conditionnement
Votre esprit est conditionné dans sa totalité : rien en vous n’échappe au conditionnement. (…) quel est l’état de l’esprit au moment où il sait qu’il est conditionné et qu’il réalise que tout effort visant à se déconditionner est toujours de l’ordre du conditionnement ? Lorsque vous dites : « Je sais que je suis conditionné », le savez-vous vraiment ? (…) Lorsque je prends conscience du fait que je suis conditionné, il y a action immédiate. Je n’ai aucun effort à faire pour me déconditionner. Le fait même que je suis conditionné et la réalisation de ce fait provoquent un éclaircissement immédiat. La difficulté réside dans l’absence de réalisation du fait, c’est-à-dire dans l’incapacité d’en comprendre toutes les implications, et dans l’impossibilité de voir que toute pensée – quelles qu’en soit la subtilité, l’habileté, la sophistication ou l’ampleur philosophique – est conditionnée.

29 mai
Le fardeau de l’inconscient
Au plus profond de nous, dans notre inconscient, l’énorme poids du passé nous pousse dans une certaine direction…
(…) Comment peut-on laver l’inconscient de tout son passé, instantanément ? (…) Je vois que le processus analytique – qui suppose du temps, une interprétation, le mouvement de la pensée sous forme d’un observateur analysant la chose observée – est incapable de libérer l’inconscient ; je rejette donc totalement le processus analytique. (…) Il n’y a plus un analyseur séparé de la chose qu’il analyse : il est cette chose même, et non une entité distincte. C’est alors que l’on s’aperçoit que l’inconscient n’a que très peu d’importance.

30 mai
L’intervalle entre les pensées
(…) Comment l’esprit peut-il être libre ? L’esprit, pour ce faire, doit non seulement voir et comprendre le mouvement pendulaire qu’il décrit entre passé et futur, mais également avoir conscience de l’intervalle qui sépare les pensées. (…) Il ne doit pas seulement voir et comprendre son va-et-vient de balancier entre le passé et le futur, mais aussi percevoir les intervalles entre deux pensées…
Si vous observez soigneusement votre pensée, vous verrez que, bien que ses réactions soient très rapides, il y a des trous, des arrêts entre une pensée et l’autre. Entre deux pensées il y a une période de silence, laquelle n’est pas reliée au processus de la pensée. Si vous l’examinez, vous verrez que cette période de silence, que cet intervalle, n’appartient pas au temps, et la découverte de cet intervalle, se pleine perception, vous libère du conditionnement, ou plutôt il ne « vous » libère pas mais il y a affranchissement du conditionnement.  

31 mai
Comment se forment les habitudes
(…) Il me semble que l’essence même de la liberté consiste à comprendre tout le mécanisme des habitudes, à la fois conscientes et inconscientes. La question n’est pas de mettre fin aux habitudes, mais d’en voir toutes les structures. Il faut que vous observiez comment se forment les habitudes et comment le rejet d’une habitude ou le fait de lui résister ne font qu’en créer une autre. L’esprit qui reste attentif seconde après seconde – attentif à ce qu'il dit, attentif au mouvement de ses mains, de ses pensées, de ses sentiments – découvrira que cette formation de nouvelles habitudes a cessé. Il est capital de comprendre cela, car tant que l’esprit s’efforce de rompre ses vieilles habitudes, en créant de nouvelles par ce processus même, il ne peut évidemment jamais être libre ; et seul un esprit libre peut voir au-delà de lui-même.









dimanche 22 mai 2016

Les mots

Lorsque nous donnons un nom à une chose que nous voyons, que nous sentons, ou qui fait pour nous l’objet d’une expérience, le mot prend une importance extraordinaire ; or le mot, c’est le temps.
L’esprit peut-il se libérer du mot ?  Quelle importance extraordinaire nous avons donné à ces mots, et combien nous en sommes esclaves !
 Lorsque l’esprit n’est pas encombré de mots, la pensée cesse d’être la pensée telle que nous la connaissons, elle ne connaît donc pas de frontière – la frontière, c’est le mot. Un esprit qu1 ne fonctionne pas en mot est sans limite. Il n’est pas captif . Si l’esprit,  peut atteindre à cette extraordinaire faculté de vision, dans cette rencontre inopinée il n’y a pas d’effort, pas de quête, pas d’expérience, ainsi l’esprit est aiguisé, éveillé à l’extrême, et ne dépend plus d’aucune expérience pour rester en éveil. Ce flash de compréhension, cette extraordinaire rapidité de vision pénétrante, vous vient quand l’esprit est tout à fait tranquille, silencieux, que la pensée est absente, que l’esprit n’est pas encombré par son propre bruitL’esprit piégé dans le filet des mots ne peut pas comprendre la vérité. 
Krishnamurti: Le livre de la méditation et de la vie
15 mai
Comprendre les mots 
J’ignore si vous avez déjà examiné, approfondi tout ce processus de verbalisation, de dénomination. (…) le temps est un espace dont le mot est le centre. Toute pensée est un processus de mise en mots : c’est en mots que nous pensons. L’esprit peut-il se libérer du mot ?
Ne demandez pas : « Comment puis-je me libérer ? » Cela n’a aucun sens. Mais interrogez-vous vous-mêmes, et voyez à quel point vous êtes esclaves de mots …

16 mai
Le souvenir brouille la perception 
Etes-vous en ce moment en train de spéculer, ou faites-vous une expérience réelle, tandis que nous cheminons ensemble ? Vous ignorez ce qu’est l'esprit religieux, n’est-ce pas ? (…) De même que vous entrevoyez le ciel magnifique quand le nuage se déchire ; mais, dès que vous apercevez le pan de ciel bleu, cela devient un souvenir, que vous voulez renouveler – et dans lequel vous vous noyez ; plus vous désirez le mot pour l’engranger sous forme d’expérience, plus vous vous y noyez.

17 mai
Le mot crée des barrières
Existe-il une pensée sans mots ?  Lorsque l’esprit n’est pas encombré de mots, la pensée cesse d’être la pensée telle que nous la connaissons, pour devenir une activité d’où le mot, le symbole, est absent ; elle ne connaît donc pas de frontière – la frontière, c’est le mot.
(…) Or un esprit que ne fonctionne pas en mots est sans limite. Il n’est pas captif…Prenons le mot amour, Par exemple : (…) Dès que je prononce ce mot, vous vous mettez à sourire, vous vous redressez, vous ressentez quelque chose. Le mot amour éveille donc toutes sortes d’idées, toutes de divisions, entre le charnel et le spirituel, (…) Pour découvrir ce qu’est l’amour, l’esprit doit, bien sûr, s’affranchir de ce mot et du poids de ce mot.

18 mai
Au-delà des mots
Pour pouvoir nous comprendre mutuellement, il est à mon sens indispensable de ne pas être captif des mots. (…) Il nous est donc quasiment impossible de communiquer, si nous n’avons pas, de part et d’autre, la ferme volonté de comprendre et d’aller au-delà des simples mots.
(…) L’esprit est fait de mots, entre autres choses. L’esprit peut-il, par exemple, se libérer du mot envie ? Faites-en expérience et vous verrez que des mots comme Dieu, vérité, haine, envie, exercent sur l’esprit une influence profonde. L’esprit peut-il se libérer de ces mots, tant au niveau neurologique que psychologique ? (…)
Quand l’esprit parvient à regarder directement ce fait qu’il nomme envie, alors le fait lui-même a une action plus rapide que l’effort déployé par l’esprit pour agir sur lui. Tant que l’esprit songe à se débarrasser de l’envie par l’intermédiaire d’un idéal de non- envie, etc., cela le distrait, il n'affronte pas le fait, et c'est le mot envie qui le distrait du fait. Le processus de récognition ne passe pas par le mot ; et dès l'instant où c'est à travers le mot que je reconnais un sentiment, je lui donne une continuité.

19 mai
Une vision extraordinaire
C’est pourquoi nous voulons savoir si l’esprit, comme aux origines, peut atteindre à cette extraordinaire faculté de vision, de perception, pas en partant de la périphérie, de l’extérieur, des lisières – mais en une rencontre qui soit spontanée. (…) Dans cette rencontre inopinée il n’y a pas d’effort, pas de quête, pas d’expérience ; mais il y a rejet total de toutes les pratiques normalement mises en œuvre pour accéder à ce centre, pour connaître cette éclosion. Ainsi l’esprit est aiguisé, éveillé à l’extrême, et ne dépend plus d’aucune expérience pour rester en éveil.
Lorsqu’on se pose à soi-même la question, on peut en rester au niveau verbal ; et, pour la plupart d'entre nous, c'est forcément le seul niveau possible. Mais il faut bien comprendre que le mot n’est pas la chose. (…) par exemple le mot Dieu est si lourdement chargé de sens et a hypnotisé les gens à un tel point qu’ils sont prêts à l’accepter ou à le rejeter, et à se comporter comme des écureuils en cage !

 20 mai
La perception de la vérité est immédiate
Le stade verbal est le fruit d’une élaboration qui s’est faite laborieusement au fil des siècles, au gré des relations entre individu et société ; par conséquent, le mot, le stade verbal, est un état de choses à la fois social et individuel, Pour pouvoir communiquer comme nous faisons, j’ai besoin de la mémoire, des mots, (…) Le mot ne se développe pas uniquement dans les relations d’ordre social, mais aussi dans le cadre des liens sociaux, en tant que réaction par rapport à des situations individuelles ; les mots sont nécessaires. Il faut donc se demander si, après tout le temps qu’il a fallu, siècle après siècle, pour que s’élabore le symbole, le stade verbal, tout cela peut s’effacer, s’évanouir, là, immédiatement …Est-ce à force de temps que nous allons nous libérer de cet emprisonnement verbal de l’esprit, qui a mis des siècles à s’échafauder ? (…) La perception de la vérité de toute chose, quelle qu’elle soit, n’est pas de l’ordre du temps – elle est immédiate. Notre esprit peut-il briser tous les obstacles en une seconde, à l’instant même où il questionne ? L’esprit peut-il voir la barrière du mot, l’esprit peut-il être dans cet état où il n’est plus prisonnier du temps ?

21 mai
Subtile vérité
(…) Comprendre – que ce soit un tableau moderne, un enfant, votre femme, votre voisin, ou la vérité, présente en toute chose, ou quoi que ce soit d’autre – n’est donc possible que lorsque l’esprit est très tranquille. Mais c’est une tranquillité qui ne se cultive pas, car à cultiver un esprit tranquille, on gagne un esprit mort.
…Plus une chose vous intéresse, plus vous cherchez à comprendre, et plus l’esprit est simple, clair, libre. Alors cesse la verbalisation.
La pensée c’est le mot, et c’est lui qui interfère, c’est l’écran des mots, autrement dit le souvenir, qui intervient entre la sollicitation du défi et la réponse. C’est le mot, qui est la réaction face à cette sollicitation, que nous appelons intellection. C’est pourquoi un esprit occupé à bavarder, à verbaliser, ne peut pas comprendre la vérité – la vérité en situation dans la relation, pas une vérité abstraite. La vérité abstraite cela n’existe pas. Mais la vérité est très subtile. C’est cette subtilité qui la rend difficile à suivre. Elle n’est cependant pas abstraite. Sa trajectoire est si fugace, si secrète, qu’elle ne peut être captée par l’esprit. Comme un voleur dans la nuit, elle vient subrepticement, quand vous ne l’attendez pas. Vous y préparer d’avance ne serait que répondre aux invites de votre avidité. L’esprit piégé dans le filet des mots ne peut pas comprendre la vérité.
  




vendredi 20 mai 2016

Les sentiments

Sans la pensée, il n’y a pas de sentiment ; et derrière la pensée, se cache le plaisir : le plaisir, le mot, la pensée, le sentiment vont donc de pair.
Dès l’instant où vous donnez un nom, où vous mettez une étiquette à ce sentiment, vous l’avez ramené dans le cadre de tout ce qui est vieux ; et le vieux, c’est l’observateur, séparé, fait de mots, d’idées, d’opinions sur ce qui est juste ou faux.  
Vous savez ce qu’est le plaisir ? Lorsque vous regardez quelque chose, ou que vous éprouvez un sentiment, le fait de songer à ce sentiment, de vous attarder constamment sur lui vous procure un plaisir, et ce plaisir, vous en avez besoin, et vous voulez qu’il se répète, encore et encore. Pour que l’amour éclose, le processus de mémoire doit cesser. La mémoire n’entre en jeu que si une expérience n’a pas été pleinement, totalement comprise.
L'amour est une flamme sans fumée,  toujours neuve, créative et joyeuse.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

 8 mai
Une observation hors de toute pensée
Toute observation qui s’effectue sans la pensée, le sentiment, le mot, est énergie. Le mot l’association, la pensée, le plaisir et le temps épuisent l’énergie : de ce fait, il n’en reste plus pour regarder.

 9 mai
Le sentiment total
Qu’est-ce que le sentiment ? Il ressemble à la pensée. (…) Le sentiment est une sensation, c’est évident – une sensation de plaisir ou de déplaisir, de bien ou de mal, de bon ou de mauvais goût, et ainsi de suite. Ce sentiment a-t-il un lien avec l’amour ? (…) Quand vous aurez compris le sentiment de manière totale, et non fragmentaire, quand vous l’aurez réellement compris en totalité, alors vous saurez ce qu’est l’amour. Quand vous saurez voir la beauté d’un arbre, la beauté d’un sourire, quand vous saurez regarder le soleil se coucher derrière les murs de votre ville – et que votre vision sera totale – alors vous saurez ce qu’est l’amour.

10 mai
Ne nommez pas ce sentiment
Dès qu’on observe un sentiment, il cesse d’exister. Mais si, bien que le sentiment ait cessé, il reste un observateur, la contradiction est toujours là. Il est donc essentiel de comprendre comment nous observons un sentiment. (…) Des l’instant où vous donnez un nom, où vous mettez une étiquette à ce sentiment, vous l’avez ramené dans le cadre de tout ce qui est vieux ; et le vieux, c’est l’observateur, l’entité séparée, faite de mots, d’idées, d’opinions sur ce qui est juste ou faux… Mais si vous ne nommez pas ce sentiment – et cela exige une formidable vigilance, une compréhension profonde et immédiate – vous vous apercevrez qu’il n’y a plus d’observateur, de penseur, de centre à partir duquel vous jugez, et que vous n’êtes pas différent de ce sentiment. Ce « vous » qui ressent n’est plus.

11 mai
Les émotions, voie sans issue
Que vous soyez guidés par vos émotions ou par votre intellect, cela vous mène au désespoir car c’est une voie sans issue. Mais vous vous rendez bien compte que l’amour n’est pas le plaisir, qu’il n’est pas le désir.
(…) lorsqu’un homme est en quête de pouvoir, d’une situation ou de prestige, au nom de la nation, au nom d’une idée, et ainsi de suite, il en retire un plaisir. Mais il est totalement dépourvu d’amour, c’est pourquoi il répand le malheur à travers le monde. Il apporte avec lui la guerre, à l’intérieur de nous comme à l’extérieur.

Il faut donc voir le fait que nos émotions, nos sentiments, notre enthousiasme, notre bonté supposée et tout le reste n’ont absolument rien à voir avec l’affection véritable, la compassion vraie. Les sentiments, les émotions sont tous liés à la pensée et conduisent donc au plaisir et à la douleur. L'amour ne connaît ni douleur ni souffrance, car il n’est ni le fruit du plaisir ni le fruit du désir.

12 mai
Le souvenir est la négation de l’amour
Est-il possible d’aimer sans qu’intervienne la pensée ?
Qu’entendez-vous par la pensée ? La pensée est une réponse aux souvenirs liés à la douleur ou au plaisir. Elle est indissociable des résidus que laissent derrière elles les expériences inachevées. L’amour est différent du sentiment et de l’émotion. Il ne peut pas s’enfermer dans le champ étroit de la pensée, contrairement aux émotions et aux sentiments.
L’amour est une flamme sans fumée,  toujours neuve, créative et joyeuse. (…) Savez-vous que, lorsqu’on aime quelqu’un, c’est l’humanité tout entière que l’on aime ? Ignorez-vous à quel point il est dangereux d’aimer les hommes ? Car alors il n’y a plus de barrières, plus de nationalités ; alors, plus de course au pouvoir et à l’influence, et les choses reprennent leur juste valeur.
Pour que l’amour éclose, le processus de mémoire doit cesser. La mémoire n’entre en jeu que si une expérience n’a pas été pleinement, totalement comprise. (…) La vie est une succession de défis et de réponses à ces défis. Le défi est toujours neuf, mais la réponse invariablement vieille. Cette réponse qui est notre conditionnement, qui est l’écho du passé, doit être comprise, et non brimée, condamnée, réduite au silence. Cela signifie qu’il faut vivre chaque jour avec une fraîcheur neuve, une plénitude totale. (…) il suffit que l’amour soit là pour que cesse enfin la mémoire, alors chaque mouvement est une renaissance.

13 mai
Ne nommez jamais un sentiment
(…) Si vous n’y mettez pas d’étiquettes, vous devez considérer chaque sentiment dès qu’il surgit. Lorsque vous le nommez, le sentiment est-il différent du nom ? Ou est-ce le nom qui éveille le sentiment ?
(…) Si la pensée cesse d’être une activité verbale, ou une manipulation d’images et de symboles, (…) qu’arrive-t-il ? L’esprit devient autre chose qu’un simple observateur, car, ne pensant plus en termes de mots, de symboles, d’images, le penseur n’est plus séparé de la pensée. Et l’esprit est alors silencieux. Lorsque l’esprit est réellement calme, les sentiments qui surgissent peuvent être traités immédiatement. Ce n’est que lorsque nous donnons des noms aux sentiments – en les renforçant de ce fait – que nous leur donnons une continuité ; ils sont emmagasinés au centre de nous-mêmes, et à partir de ce point nous leur mettons de nouvelles étiquettes qui les fortifient ou les communiquent.

14 mai
Restez en présence du sentiment
Vous ne demeurez jamais face à face avec un sentiment pur et simple : vous l’enveloppez toujours dans un fatras de mots. Les mots le déforment ; la pensée, tourbillonnant autour de lui, le précipite dans l’ombre, l’étouffe sous une montagne de peurs et de désirs. (…) Quand surgit le sentiment de haine, vous dites que c’est mal ; puis vient l’effort, la lutte pour vaincre cette haine, toute l’agitation des pensées tournant autour d’elle…(…) Essayez de rester au contact d’un sentiment, et voyez ce qui arrive. Vous allez trouver cela extrêmement ardu. Ce sentiment, votre esprit va refuser de le laisser en paix ; il va entrer en scène, avec le torrent de ses souvenirs, de ses associations, de ses injonctions et de ses interdits, de ses bavardages incessants. (…) Pouvez-vous vivre le vrai sentiment caché sous le mot, au lieu du sentiment fabriqué par le mot ? Si vous en êtes capable, alors vous allez découvrir une chose extraordinaire, un mouvement au-delà de toute mesure de temps, un printemps qui ne connaît jamais d’été. 


mardi 10 mai 2016

L'intelligence

Pictures courtesy of Krishnamurti Foundation Trust Ltd
La vérité, ne veut pas d’un esprit dévasté, petit, creux, étroit, limité. Il lui faut un esprit sain, qui puisse l’apprécier ; il lui faut un esprit riche, non de savoir, mais d’innocence – un esprit vierge de toute trace d’expérience, un esprit libéré du temps.

 II veut un être humain total et complet, au cœur plein, riche, claire, capable de ressentir intensément, capable de voir la beauté d’un arbre, le sourire d’un enfant, et la détresse de la femme qui a toujours connu la faim. L’intelligence vient avec la sensibilité et l’observation. Tous les sentiments, toutes les émotions, sont liées à la pensée et c’est pourquoi ils aboutissent au plaisir et à la douleur.
L’amour est dénué de toute douleur ou souffrance, parce qu’il n’est le fruit ni du plaisir ni du désir.
La vérité n’apparaîtra que lorsque vous serez intensément conscients de ce qui se passe à l’instant même où se déclenchent votre pensée, votre émotions ; vous verrez alors la subtilité extraordinaires, la finesse, la délicatesse. L’intelligence, en réalité, apparaît lorsqu’on agit en parfait état d’harmonie, tant au niveau intellectuel qu’émotionnel.
  L’amour est-il le contraire de la haine ? Et l’amour est-il une émotion, une sensation, un sentiment qui s’est perpétué grâce au souvenir ? L’amour n’est certainement pas le souvenir. Ce que nous aimons ou croyons aimer, c’est l’image, le symbole derrière l’expression…
Pour savoir réellement ce qu’est l’amour, nous devons mourir au passé, à toutes nos émotions, – mourir sans effort
Krishnamurti : le livre de la méditation et de la vie.

1er mai
Un esprit riche d’innocence
(…) Vous devez être sensible, ressentir les choses intensément, mais sans suivre de direction particulière ; il ne s’agit pas d’une émotion fluctuante, mais d’une sensibilité impliquant tout l’être – nerfs, corps, oreilles, voix. Vous devez être sensible de manière absolue et permanente. Sans cette sensibilité extrême, absolue, il n’est point d’intelligence.  

2 mai
Quel rôle jouent les émotions dans notre vie ?
Comment naissent les émotions ? Elles naissent à partir de stimuli, à partir de nos nerfs. (…) les émotions naissent à travers nos sens. Et le mode d’émotions selon lequel nous fonctionnons, dans la plupart des cas, est évidement le plaisir. (…) Quel rôle joue l’émotion dans notre vie ? L’émotion est-elle la vie ? Est-ce que vous comprenez ? L’amour est-ce le plaisir ? Est-ce le désir ? Si l’amour est émotion, c’est donc qu’il comporte un élément perpétuellement fluctuant… Il faut donc se rendre compte que les émotions, les sentiments, l’enthousiasme, l’impression qu’on a d’être bon, et ainsi de suite, n’ont absolument rien à voir avec l’affection, la compassion réelles. Tous les sentiments, toutes les émotions, sont liées à la pensée et c’est pourquoi ils aboutissent au plaisir et à la douleur. L’amour est dénué de toute douleur ou souffrance, parce qu’il n’est le fruit ni du plaisir ni du désir.

3 mai
Libérer l’intelligence
La première chose à faire, si je puis me permettre de le suggérer, est de découvrir pourquoi vous avez certains critères de pensée, et pourquoi vous avez une certaine manière de ressentir les choses. (…) Prenez conscience des tendances spécifiques que suit votre pensée, ainsi que des motivations de vos actes. (…) Tant que persisteront  en vous un  « je dois » et un « je ne dois pas » ces contraintes vous empêcheront de découvrir les méandres fugaces de la pensée et de l’émotion. (…) Alors, telle une fleur qui s’épanouit par un beau matin, l’intelligence éclôt : elle est là, active, créatrice – et la compréhension naît.

4 mai
Intellect contre intelligence
(…) Il y a une énorme différence entre l’intellect et l’intelligence. L’intellect n’est que la pensée fonctionnant indépendamment de l’émotion. Lorsque l’intellect est entraîné à suivre n’importe quelle tendance donnée, sans que l’émotion soit prise en compte, on a beau être doté d’un intellect exceptionnel, l’intelligence fait défaut ; car elle porte en elle-même l’aptitude à ressentir autant qu’à raisonner ; dans l’intelligence, ces deux aptitudes sont également intensément et harmonieusement présentes. … Si on laisse l’émotion s’immiscer dans les affaires, elles ne pourront plus, à vous en croire, ni être bien gérées ni être honnêtes. Ainsi, vous compartimentez votre esprit : vous rangez dans une de ses cases vos préoccupations religieuses, dans une autre vos émotions, dans une troisième votre intérêt pour les affaires, qui est sans rapport avec votre vie intellectuelle et émotionnelle. (…) ainsi se poursuit cette vie chaotique, ainsi persiste la division dans votre existence. (…) Si vos émotions et vos pensées agissent en harmonie, vos affaires péricliteraient peut-être. C’est même probable. (…) Tant que vous abordez l’existence avec votre seul intellect, au lieu d’y impliquer à fond votre intelligence, nul système au monde ne délivrera l’homme de l’éternel labeur de la quête du pain quotidien.
    
5 mai
Sentiments et émotions engendrent la cruauté
L’émotion et le sentiment, on le voit bien, sont tout à fait hors de cause lorsqu’il s’agit d’amour. Le sentiment et l’émotion ne sont que des réactions d’attrait ou d’aversion. Vous me plaisez et je déborde d’enthousiasme à votre égard ; (…) cela sous-entend que ce qui est autre me déplaît. Ainsi, sentiments et émotions engendrent la cruauté. (…) On voit bien que là où le sentiment et l’émotion entrent en jeu, l’amour n’est pas. (…) L’envie et la jalousie ne sont pas l’amour (…) Je les efface de ma vie, réellement, simplement, comme la pluie efface la poussière accumulée au fil des jours sur une feuille.    

6 mai
Nous devons mourir à toutes nos émotions 
Qu’entendons-nous par « émotion » ? Est-ce une sensation,  une réaction, une réponse de nos sens ? La haine, la dévotion, le sentiment d’amour ou de compassion envers autrui sont des émotions. Nous qualifions certaines d’entre elles, comme l’amour et compassion, de positives, alors, que d’autres, comme la haine, ont une étiquette négative, et nous voulons nous en débarrasser. L’amour est-il le contraire de la haine ? Et l’amour est-il une émotion, une sensation, un sentiment qui s’est perpétué grâce au souvenir ?
Qu’entendons-nous donc par « amour » ? L’amour n’est certainement pas le souvenir.  C’est une chose très difficile à comprendre, car pour la majorité d’entre nous l’amour est le souvenir. (…) ce que nous aimons ou croyons aimer, c’est l’image, le symbole derrière l’expression « ma femme » ou « mon mari », et non  l’individu vivant. (…) Je ne pourrais connaître cette personne tant que la connaître voudra dire reconnaître. (…) Comment pourrais-je aimer alors qu’il y a la peur, la souffrance, la solitude, l’ombre du désespoir ?  (…)
Pour savoir réellement ce qu’est l’amour, nous devons mourir au passé, à toutes nos émotions, bonnes ou mauvaises – mourir sans effort, comme on s’écarterait sans effort d’un poison, d’une drogue parce qu’on en comprend la toxicité.  

7 mai
Nous devons avoir de grands sentiments
(…) Ce mot sentiment ne signifie pas pour moi la sensiblerie, l’émotion, ni un simple état d’excitation, mais cette qualité de perception, de finesse et d’écoute, cette sensibilité à l’oiseau qui chante dans un arbre, au mouvement d’une feuille sous le soleil. Sentir les choses en profondeur, d’une manière ample et pénétrante, est, pour la plupart d’entre nous, chose très difficile, car nous avons tant de problèmes. Tout ce que nous touchons se métamorphose en problème, dirait-on. (…) plus le problème est manifeste, moins les sentiments sont adéquats.
(…) Il faut avoir de grands sentiments. Le sentiment de beauté, la sensibilité au mot, au silence entre deux mots, et la perception nette d’un bruit, d’un son – tout cela suscite des sentiments. Et il nous faut avoir des sentiments forts, car seuls les sentiments rendent l’esprit sensible à l’extrême.