lundi 22 août 2016

L'observateur et l'observé

Tout homme qui veut comprendre la fin de la souffrance doit comprendre, doit découvrir, doit aller au-delà de cette dualité entre le penseur et la pensée, entre le sujet et l'objet de l'expérience... Lorsqu'il y a division entre l'observateur et l'objet observé, le temps intervient, et la souffrance n'en finit donc jamais. Que faire, alors ? 
S'il n'y avait pas du tout de pensée, il n'y aurait pas d'observateur, pas de penseur, il n'y aurait qu'une attention parfaite, absolue.
La pensée est transitoire, changeante, elle n'est pas permanente, et elle recherche la permanence. C'est pourquoi la pensée a créé le penseur, qui devient alors le symbole de la permanence. Il prend le rôle du censeur, du guide, du contrôleur, de celui qui façonne la pensée... Celui qui contrôle n'est pas différent de ce qu'il contrôle ; il triche dans le jeu qu'il se joue à lui-même. Tant que le faux n'est pas perçu en tant que faux, la vérité ne peut pas être.
Il faut se libérer de la réponse du conditionnement, c'est-à-dire de la pensée. Un problème est résolu quand l'idée, la conclusion ont cessé d'être. La conclusion, l'idée, la pensée sont agitation de l'esprit. Comment pourrait-il y avoir compréhension lorsque l'esprit est agité ? 
La félicité de la vérité apparaît lorsque l'esprit n'est pas aux prises avec ses propos activités et ses luttes.
La relation, prend une tout autre signification dès que l'observateur n'est plus séparé de ce qu'il observe.
Mon esprit observe donc la solitude ; le penseur a conscience de sa solitude. Mais s’il demeure avec elle, en un contact total, sans la fuir, sans la traduire, et ainsi de suite, existe-t-il encore à ce moment-là une différence entre l’observateur et l’observé ? Ou n’y a-t-il plus comme unique fait que la réalité du vide et de la solitude de l’esprit ? L’esprit a cessé d’observer le vide dans lequel il se trouve : il est lui-même ce vide. L’esprit peut-il donc, ayant pris conscience de sa vacuité comme d’un fait, et voyant que, quels que soient ses efforts, tout mouvement de recul face à cette vacuité n’est qu’une évasion, une dépendance, et être ce qu’il est dans cet état-là, n’est-on pas délivré de toute dépendance, de tout attachement ?  
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

 15 août 
La dualité entre penseur et pensée
Quand vous observez quelque chose (...) il y a toujours d'une part l'observateur, le censeur, le penseur, celui qui vit l'expérience, celui qui cherche, et de l'autre la chose qu'il observe ; l'observateur et l'objet observé ; le penseur et la pensée. Il y a donc toujours une division. C'est cette division qui constitue  le temps. Cette division est l'essence même du conflit. Et quand il y a conflit, il y a contradiction. Il y a "l'observateur et l'observé" - c'est-à-dire qu'il y a une contradiction, une séparation. Et là où est la contradiction, est aussi le conflit, chaque conflit faisant naître à son tour un besoin impérieux de dépasser le conflit, de le vaincre, de l'éviter, d'agir sur lui, et toute cette activité implique le temps...Tant qu'il y aura division, le temps continuera, et le te temps, c'est la souffrance. (...) Je vois, présent en moi, l'observateur, toujours là à épier, juger, censurer, accepter, rejeter, discipliner, contrôler, modeler. Cet observateur, ce penseur, est le résultat de la pensée ; c'est une évidence. C'est la pensée qui vient en premier, pas l'observateur, le penseur. 

16 août 
C'est la pensée qui crée le penseur 
La pensée est la sensation mise en mots ; la pensée, c'est la réponse de la mémoire, c'est le mot, l'expérience, l'image. La pensée est transitoire, changeante, elle n'est pas permanente, et elle recherche la permanence. C'est pourquoi la pensée à créé le penseur, (...) Cette entité illusoire est le produit de la pensée, du transitoire. Cette entité est la pensée ; sans la pensée, elle n'existerait pas. Le penseur est constitué de qualités distinctives qui sont inséparables de lui-même. 

17 août 
Un mur de pensée inexpugnable 
Comment peut-il y avoir fusion entre le penseur et ses idées? Cela ne peut pas avoir lieu par l'action de la volonté, ni par la discipline, ni par l'effort sous quelque forme que ce soit, ni par la maîtrise ou la  concentration, ni par rien de semblable. (...) La fusion ne peut avoir lieu qu'à partir du moment où l'esprit est parfaitement immobile sans avoir essayé de l'être. Et cette immobilité vient non pas quand le penseur n'existe plus, mais quand la pensée elle-même n'existe plus. (...) Si je peux me permettre de vous le conseiller, soyez ouvert, sensible, ayez une conscience totale de ce qui est d'un moment à l'autre. Ne vous entourez pas d'un mur de pensée inexpugnable. 

18 août 
Quand l'observateur est l'objet observé 
L'espace est une nécessité. Sans espace, pas de liberté - psychologiquement parlant... Ce n'est que lorsqu'il y a contact, lorsqu'il n'y a pas le moindre espace entre l'observateur et ce qu'il observe, que notre relation - avec un arbre, par exemple - est totale. 
Il ne s'agit pas de s'identifier à l'arbre - (...) mais lorsqu'il n'y a absolument plus là moindre distance entre observateur et objet observé, alors s'ouvre un immense espace. Un espace où il n'y a pas de conflit ; et dans cet espace est la liberté.(...) Voir que toutes nos actions, et chaque instant d'une action, procèdent du rapport observateur-observé, et que dans l'espace qui sépare l'un de l'autre, il y a plaisir, la douleur et la souffrance, le désir de réalisation, la soif de célébrité. Au sein de cet espace-là, aucun contact avec quoi que ce soit n'est possible. Mais le contact, la relation, prend une tout autre signification dès que l'observateur n'est plus séparé de ce qu'il observe. Alors s'ouvre cet autre espace fabuleux, et alors est la liberté. 

19 août 
Celui qui observe la solitude existe-t-il vraiment ?
Mon esprit observe la solitude ; il l’évite, il la fuit.
Mais si je cesse de la fuir, y-a-t-il une division, y-a-t-il une séparation, existe-t-il encore un observateur qui examine la solitude ? Ou n’y a-t-il plus qu’un état de solitude, mon esprit lui–même étant vide et seul – là où il avait un observateur conscient de la présence de la solitude ? je crois qu’il est capital de saisir cela au vol, sans trop s’attarder sur les mots. Quand nous disons par exemple : « Je suis envieux, je veux me débarrasser de mon envie », il y a alors un observateur et un phénomène observé ; l’observateur souhaite se débarrasser de ce qu’il observe. Or, l’observateur et l’observé ne sont-ils pas la même chose ? C’est l’esprit lui-même qui a suscité cette envie, il lui est donc impossible d’agir sur elle.

20 août
Accumulation et vérité
(…) La vérité n’est pas quelque chose dont on se souvient, qu’on emmagasine, qu’on enregistre et qu’on reproduit ensuite. Ce qui s’accumule n’est pas la vérité. C’est le désir de faire l’expérience qui crée l’expérimentateur, qui à son tour accumule et se souvient. Le désir suscite la séparation entre le penseur et sa pensée ; (…) La prise de conscience de cette conséquence du désir est la connaissance de soi. Et la connaissance de soi est le commencement de la méditation.

21 août
Faire face au fait
Si vous êtes en contact avec quelque chose (…) à l’instant même où la pensée intervient, le contact est rompu. La pensée a sa source dans la mémoire. La mémoire c’est l’image, et c’est à partir de là que vous regardez ; c’est pourquoi il y a une séparation entre l’observateur et ce qu’il observe.
(…) Il faut donc comprendre, de manière totale et absolue, qu’aussi longtemps que persiste l’observateur, celui qui a soif d’expérience, le censeur, l’entité qui évalue, juge et condamne, il n’y a plus aucun contact immédiat avec ce qui est. (…) Tant que ce fait ne sera pas totalement compris, réalisé, exploré et profondément ressenti, tant qu’on n’aura pas saisi pleinement (…) que l’observateur est ce qu’il observe, toute vie se transformera en conflit, en contradiction entre des désirs opposés, entre « ce qui devrait être » et « ce qui est ». Cela ne vous sera possible qu’à condition de savoir en toute lucidité si vous regardez, si vous êtes ou non en position d’observateur, lorsque vous regardez une fleur, un nuage ou quoi que ce soit d’autre.


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