samedi 29 octobre 2016

Le cerveau

Pourquoi l'esprit vieillit-il ? Il devient vieux en ce sens qu'il se délabre, se détériore, se répète, s'enfonce dans les habitudes, qu'elles soient sexuelles , religieuses, liées à la profession, ou à l'ambition.
L'esprit est tellement encombré par des myriades d'expériences et de souvenirs, tellement meurtri et éprouvé par la souffrance qu'il ne peut plus rien voir d'un regard frais ; il ne sait que traduire ce qu'il voit en termes de souvenirs personnels, de conclusions, de formules, de notions d'emprunt ; il se plie à l'autorité : il est devenu vieux.
Comment peut naître l'esprit religieux, ou l'esprit jeune ? Allez-vous recourir à une méthode - une méthode étant un système, une pratique, une routine qui se répète jour après jour ?
L'esprit doit rejeter tous les processus mécaniques de pensée.L'esprit qui fonctionne mécaniquement est un esprit traditionnel ; il ne peut pas être au contact de la vie, qui est non mécanique ; toute méthode est donc à proscrire.
Je crois que les efforts constants que l'on déploie pour être, pour devenir quelque chose, sont la cause réelle de la détérioration et du vieillissement de l'esprit.
Ce n'est que lorsque notre vieux cerveau, c'est à dire notre cerveau conditionné, notre cerveau archaïque, animal, notre cerveau tel qu'il s'est peaufiné au fil du temps depuis des siècles, et qui est perpétuellement en quête de sécurité, de réconfort - ce n'est que lorsque ce vieux cerveau fera silence que vous constaterez la présence d'un tout autre mouvement, et c'est par ce mouvement que viendra la clarté. A force de regards et d’écoute attentive, les réactions du vieux cerveau se calment, se taisent. Le cerveau n’est pas pour autant endormi ; il est très actif, mais silencieux. Il est arrivé à cette tranquillité par l’observation, par l’investigation. Et pour mener l’enquête, pour observer, vous avez besoin de lumière : cette lumière, c’est votre vigilance de tous les instants…
Lorsqu’il y a un intervalle entre ce qui nous est dit et notre réaction à ces propos. Alors dans cet intervalle il y a une tranquillité, un silence, et ce n’est que là que survient une compréhension qui n’est pas de nature intellectuelle. S’il y a un espace entre ce qui est dit et votre propre réaction à ce qui est dit, dans cet intervalle – peu importe que vous le fassiez durer indéfiniment, longtemps, ou juste quelques seconde – si vous observez bien dans cet intervalle jaillit la clarté totale et lucide. C’est cet intervalle qui constitue le cerveau neuf. 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
15 octobre
Ces influences qui nous submergent 
L'esprit est tellement encombré par des myriades d'expériences et de souvenirs, tellement meurtri et éprouvé par la souffrance qu'il ne peut plus rien voir d'un regard frais ; il ne sait que traduire ce qu'il voit en termes de souvenirs personnels, de conclusions, de formules, de notions d'emprunt ; il se plie à l'autorité : il est devenu vieux. 

16 octobre 
Cerveau ancestral, cerveau animal
Je crois qu'il est capital de comprendre comment opère, comment fonctionne, comment agit notre "vieux" cerveau, notre cerveau ancestral. Quand le cerveau neuf entre en action, notre vieux cerveau est dans l'incapacité totale de le comprendre. Ce n'est que lorsque notre vieux cerveau, c'est à dire notre cerveau conditionné, notre cerveau archaïque, animal, notre cerveau tel qu'il s'est peaufiné au fil du temps depuis des siècles, qui est perpétuellement en quête de sécurité, de réconfort - ce n'est que lorsque ce vieux cerveau fera silence que vous constaterez la présence d'un tout autre mouvement, et c'est par ce mouvement que viendra la clarté. Car ce mouvement est la clarté même. Pour le comprendre, il faut d'abord comprendre notre cerveau ancestral, en être pleinement conscients, en connaître tous les mouvements, les activités, les exigences, les objectifs ; c'est pourquoi la méditation a une telle importance. (...) Par méditation, j'entends le fait de comprendre le fonctionnement de ce cerveau ancestral, de l'observer, d'en connaître les réactions, les réflexes, les tendances, les besoins, les visées agressives - la compréhension de tout cet ensemble, sous ses aspects conscients et inconscients. Lorsque vous connaissez ce cerveau, que vous en avez une perception lucide, mais qui ne tend ni à contrôler, ni à diriger, ni à dire (...) - lorsque vous voyez tout de lui, alors il se tait. 

17 octobre 
Un esprit frais
Je crois que les efforts constants que l'on déploie pour être, pour devenir quelque chose, sont la cause réelle de la détérioration et du vieillissement de l'esprit. (...) J'entends par jeune non pas l'esprit qui ne cherche qu'à s'amuser, à prendre du bon temps, mais celui qui n'est pas contaminé, qui n'est pas égratigné, gauchi, faussé par les incidents et les accidents de la vie, celui qui n'est pas usé par les conflits, les chagrins, les efforts perpétuels. Il est évidemment indispensable d'avoir un esprit jeune, car notre vieil esprit est tellement couturé de cicatrices laissées par les souvenirs qu'il est incapable de vivre, de manifester aucune ardeur ; c'est un esprit mort, un esprit figé dans ses décisions. L'esprit qui a déjà décidé de tout et vit en fonction de ses décisions est un esprit mort ; mais l'esprit jeune décide toujours de manière inédite, l'esprit frais ne s'encombre pas en lui des ténèbres de la souffrance, même s'il traverse une vallée de larmes, reste vierge de toute égratignure... 
Je ne pense pas qu'un tel esprit jeune puisse s'acquérir, puisse s'acheter par l'effort ou le sacrifice. La pièce pour en payer le prix n'existe pas, d'ailleurs ce n'est pas un objet marchand, mais si vous en voyez l'importance, la nécessité, si vous en voyez la vérité, alors quelque chose d'autre se produit.

18 octobre 
Il faut rejeter toutes les méthodes 
Comment peut naître l'esprit religieux, ou l'esprit jeune ? Allez-vous recourir à une méthode - une méthode étant un système, une pratique, une routine qui se répète jour après jour ? (...) ce qui revient à acquérir une habitude mécanique et à vouloir obtenir, grâce à cette habitude toute mécanique, un esprit qui ne le soit pas...
Lorsque vous parlez de "discipline ", il faut voir que toute discipline est fondée sur une méthode qui se conforme à un certain modèle, lequel vous promet un résultat déterminé d'avance par un esprit qui a déjà une croyance, qui a déjà pris position. Dans ces conditions-là, une méthode, au sens le plus large ou le plus étroit du terme, est-elle capable de faire apparaître cet esprit nouveau ?  Si tel n'est pas le cas, alors la méthode en tant que pratique habituelle doit être définitivement écartée, car elle est fausse... La méthode ne fait que conditionner l'esprit en fonction du résultat escompté. Vous devez rejeter tous les processus mécaniques de l'esprit... L'esprit doit rejeter tous les processus mécaniques de pensée. 
L'esprit qui fonctionne mécaniquement est un esprit traditionnel ; il ne peut pas être au contact de la vie, qui est non mécanique ; toute méthode est donc à proscrire. 

19 octobre 
Un esprit sans ancrage ni havre sûrs
Il vous faut un esprit neuf, un esprit libéré du temps, un esprit qui ne pense plus en termes de distance ou d’espace, un esprit sans aucun horizon pour limites, un esprit sans ancrage ni havre sûrs. Il vous faut un esprit tel que celui-là pour affronter non seulement l’éternel, mais aussi les problèmes immédiats de l’existence. 
Le problème est donc le suivant : cet esprit neuf peut-il être accessible à chacun de nous ? Pas par un effet graduel, pas par un entraînement, car toute forme d’entraînement, de développement, de processus implique le temps. L’effet doit être immédiat : la transformation doit avoir lieu maintenant, au sens où elle est par essence hors du temps. La vie, c’est la mort, et la mort vous guette ; il est impossible d’argumenter avec la mort comme vous argumentez avec la vie. Est-il donc possible d’accéder à cet esprit – sans souci d’une réussite à accomplir, d’un but à atteindre, d’une cible à toucher, sans chercher à arriver quelque part, parce que tout cela implique le temps et l’espace ?

20 octobre
Actif mais silencieux
Pour découvrir l’esprit nouveau, il est indispensable non seulement que nous comprenions la réaction de notre vieux cerveau, mais aussi que celui-ci se taise. Le vieux cerveau doit être actif mais silencieux. (…) Ce vieux cerveau doit se taire. Parce que, sinon, il ne fera que projeter ses propres images, ses propres concepts, ses propres valeurs. Mais ces valeurs, ces concepts, ces croyances résultent de tout ce qui vous a été dit, ou de vos réactions à ce qu’on vous a dit : « C’est ma propre expérience ! »
Vous devez donc remettre en question la validité même de votre propre expérience (…) A force de regards et d’écoute attentive, les réactions du vieux cerveau se calment, se taisent. Le cerveau n’est pas pour autant endormi ; il est très actif, mais silencieux. Il est arrivé à cette tranquillité par l’observation, par l’investigation. Et pour mener l’enquête, pour observer, vous avez besoin de lumière : cette lumière, c’est votre vigilance de tous les instants.

21 octobre
Une tranquillité s’installe
(…) Vous écoutez quelque chose, et votre esprit réagit instantanément, en gardant l’écho de ses connaissances, de ses conclusions préalables, votre savoir, certains souvenirs, ou bien vous voulez une réponse, et vous êtes impatient.  Vous voulez des explications sur tout, vous voulez tout savoir sur la vie, de son extraordinaire complexité. En fait, vous n’écoutez pas du tout. On ne peut écouter que lorsque l’esprit est tranquille, silencieux, lorsqu’il ne réagit pas de manière immédiate, lorsqu’il y a un intervalle entre ce qui nous est dit et notre réaction à ces propos. Alors dans cet intervalle il y a une tranquillité, un silence, et ce n’est que là que survient une compréhension qui n’est pas de nature intellectuelle. S’il y a un espace entre ce qui est dit et votre propre réaction à ce qui est dit, dans cet intervalle – peu importe que vous le fassiez durer indéfiniment, longtemps, ou juste quelques seconde – si vous observez bien dans cet intervalle jaillit la clarté totale et lucide. C’est cet intervalle qui constitue le cerveau neuf. Alors que la réaction immédiate, c’est le vieux cerveau, lequel fonctionne dans son propre sens – la voie traditionnelle, admise, réactionnaire, instinctive, animale. Mais dès que tout est en suspens, qu’il y a suspension de la réaction, qu’il y a intervalle vacant, alors vous découvrirez que le cerveau neuf agit, et seul le cerveau neuf, et non celui qui est vieux, a la capacité de comprendre.



mercredi 19 octobre 2016

La perception

Celui qui voit une chose de manière totale, qui perçoit la globalité de la vie, est forcément en dehors du temps, c’est une évidence. Si nous comprenons cette chose-là, alors nous comprendrons la routine du quotidien, l’ennui et les souffrances qui nous assaillent, les peurs et les angoisses qui nous donnent la nausée...
Ayant épuisé toutes les possibilités pour trouver la réponse, l’esprit devient spontanément silencieux. Alors est une conscience lucide, une conscience qui ne choisit rien, n’exige rien, une conscience d’où toute angoisse est absente ; et dans cet état d’esprit est la perception. Seule cette perception saura résoudre tous nos problèmes.
C’est dans la souffrance elle-même – non dans la fuite devant elle – que se réalise la fin de toute souffrance. S’écarter de la souffrance n’est rien d’autre que vouloir trouver une réponse, une conclusion, une échappatoire ; mais la souffrance continue. Alors que si vous lui accordez tout votre être, vous verrez alors qu’il y a une perception n’impliquant ni le temps, ni l’effort, ni le moindre conflit ; c’est cette perception immédiate, cette conscience sans choix, qui met fin à la souffrance. L’esprit qui est libéré de quelque chose n’est pas un esprit libre ; sa liberté, qui existe en fonction de quelque chose, n’est qu’une réaction ; ce n’est pas la liberté. L’esprit qui est à la recherche de la liberté n’est jamais libre. Mais il est libre dès qu’il comprend le fait, tel qu’il est, sans le traduire, le condamner, ni le juger ; et parce qu’il est libre, cet esprit est innocent...
Tout le problème, assurément, consiste à libérer l’esprit de façon absolue, de sorte qu’il soit dans un état de perception sans frontières, sans limites. Et comment l’esprit peut-il découvrir cet état ? Comment peut-il parvenir à cette liberté ?
Quand l’esprit sait percevoir sans la moindre fébrilité, alors il est capable de voir jusqu’au plus profond de lui-même ; et cette perception échappe à toute notion de temps. Il n’y a rien à faire de spécial pour la susciter ; il n’existe ni discipline, ni pratique, ni méthode qui permette d’apprendre à percevoir de cette façon-là.
Seul l’esprit innocent – l’esprit qui, tout ayant une vaste expérience de la vie, est en même temps vierge de tout savoir, de toute expérience -, seul un tel esprit peut découvrir cette chose qui est plus que le cerveau et l’esprit. 
Krishnamurti : Le livre de  la méditation et d la vie
8 octobre
Cette perception qui agit
Vous voyez et je ne vois pas – pourquoi cette situation ? Je pense qu’elle est due au fait que nous sommes tous impliqués dans le temps ; vous ne voyez pas les choses dans une perspective de temps, alors que je les perçois sur cet angle. Votre perception lucide est une action dans laquelle tout votre être est impliqué, et vous n’êtes pas tout entier piégé dans le temps ; vous ne pensez pas en termes de progression graduelle ; quand vous voyez une chose, c’est de manière immédiate, et c’est cette perception même qui agit. Moi, je ne vois rien ; je cherche à savoir ce qui me rend aveugle. Qu’est-ce qui peut me permettre de voir les choses de manière si complète, si totale que je les saisisse instantanément ?  Vous, vous voyez le panorama complet des structures de la vie : vous en voyez la beauté, la laideur, la souffrance, la joie, la sensibilité extraordinaire, la splendeur – vous en voyez tout l’ensemble, moi pas. Je n’en vois qu’une partie, pas totale…

9 octobre
A la lisière de toute pensée

Vous est-il déjà arrivé – oui, j’en suis sûr – d’avoir la perception soudaine d’un événement, et que, dans cet instant de perception, le problème s’évanouisse ? Le problème a définitivement cessé à l’instant même où vous l’avez perçu. (…) Vous avez un problème, (…) vous restez seul face au problème, et il n’y a pas d’issue. Ayant exploré le problème dans la plaine mesure de vos capacités, vous le laissez tomber. Votre esprit ne s’en préoccupe plus, cesse de s’y user, et vous cessez de dire « Je dois trouver une réponse » ; il devient alors silencieux, n’est-ce pas ? Et dans ce silence vous trouvez la réponse. Cela ne vous est-il jamais arrivé, à une occasion ou une autre ? Il n’y a rien exceptionnel à cela. C’est une chose qui arrive à de grands mathématiciens et scientifiques, et certaines personnes en font parfois l’expérience dans leur vie quotidienne. Et qu’est-ce cela veut dire ? Que l’esprit, après avoir exercé pleinement toutes ses facultés de pensée, est arrivé à la lisière extrême de toute pensée sans avoir trouvé de réponse ; donc, il fait silence – mais pas par lassitude, pas par épuisement, ni parce qu’il s’est dit : « Je vais faire silence, grâce à quoi je trouverai la réponse. ». 

10 octobre
Cette conscience sans choix
 
(…) Seul l’esprit qui est innocent, qui n’est pas obscurci par l’expérience mais qui est totalement délivré du passé – seul cet esprit-là peut percevoir ce qu’est la réalité. Si vous voyez cette vérité, si vous la percevez, ne serait-ce que l’espace d’une fraction de seconde, vous saurez ce qu’est la formidable clarté de l’esprit innocent. Ce qui suppose la disparition de tout ce qui est incrusté dans notre mémoire, et donc l’abandon du passé. 

11 octobre
Un esprit immobile et actif
 
L’esprit qui est réellement silencieux est étonnamment actif, vivant et puissant – mais sans aucune visée particulière, seul cet esprit est littéralement libre -, libre de toute influence de l’expérience, du savoir. Un tel esprit est capable de percevoir la vérité, d’avoir la perception directe, qui est au-delà du temps.
L’esprit ne peut être silencieux que lorsqu’il a saisi le mécanisme du temps, et cela requiert de la vigilance, ne croyez-vous pas ? (…) Nous ne connaissons de liberté que relative. L’esprit qui est libéré de quelque chose n’est pas un esprit libre ; sa liberté, qui existe en fonction de quelque chose, n’est qu’une réaction ; ce n’est pas la liberté. L’esprit qui est à la recherche de la liberté n’est jamais libre. Mais il est libre dès qu’il comprend le fait, tel qu’il est, sans le traduire, le condamner, ni le juger ; et parce qu’il est libre, cet esprit est innocent, qu’il ait vécu cent jours ou cent ans d’expérience ou connu toutes les expériences. S’il est innocent, c’est parce qu’il est libre, non par rapport à quoi que ce soit, mais libre en soi. Seul un tel esprit est en mesure de percevoir le vrai, cette réalité hors du temps.

12 octobre
De la perception jaillit l’énergie
Tout le problème, assurément, consiste à libérer l’esprit de façon absolue, de sorte qu’il soit dans un état de perception sans frontières, sans limites. Et comment l’esprit peut-il découvrir cet état ? Comment peut-il parvenir à cette liberté ? (…) Vous devez vous poser (cette question) vous-même, avec une insistance pressante. Notre marge de liberté se rétrécit de jour en jour, ainsi que vous le savez, (…) les politiciens, les décideurs, les prêtres, les journaux et les livres que vous lisez, les connaissances que vous assimilez, les croyances auxquelles vous vous agrippez – tout cela rend de plus en plus étroite la marge de liberté dont chacun dispose. Si vous avez conscience de toute cette situation, si vous avez réellement la perception lucide de cet état de choses persistant, de cet esclavage grandissant de l’esprit, vous vous apercevrez alors que de cette perception jaillit l’énergie ; et c’est cette énergie née de la perception qui va briser en éclats cet esprit qui va au temple, cet esprit qui a peur. La perception est donc la voie qui conduit à la vérité.

13 octobre
Le bavardage de l’esprit
La véritable perception est une formidable expérience. (…) si vous avez déjà réellement perçu une fleur, (…) dès que vous regardez une fleur, votre esprit se met aussi tôt à bavarder à son sujet ; vous ne percevez donc jamais vraiment la fleur. La perception n’est possible que lorsque l’esprit est silencieux, étranger à tout bavardage. Si vous êtes capable de contempler l’étoile du berger scintillant au-dessus de la mer sans le moindre mouvement de votre esprit, alors vous en percevez réellement la beauté extraordinaire ; et lorsqu’on perçoit la beauté, ne fait-on pas simultanément l’expérience de l’amour ? Sans l’amour il n’est point de beauté, et sans la beauté, il n’est point d’amour. La beauté est partout – elle est dans la forme, elle est dans le discours, elle est dans notre conduite. Si l’amour est absent, notre conduite tourne à vide ; elle n’est que l’expression de la société, d’une culture particulière, et le résultat est mécanique et sans vie.

14 octobre
Le savoir dévoie l’esprit
(…) Si l’esprit est faussé, la vision juste ne sera jamais juste ; et si l’esprit est très limité, il est impossible de percevoir ce qui est sans limites. L’esprit est l’instrument de la perception, et pour percevoir véritablement, il doit être remis dans le droit fil, lavé de tout conditionnement, de toute peur. L’esprit doit être aussi libéré du savoir, car le savoir dévoie l’esprit et distord tout. 

mardi 11 octobre 2016

Le temps

Toutes les religions affirment depuis toujours que le temps est nécessaire – le temps psychologique dont nous parlons ici. (…) Nous voulons savoir s’il est ou non possible de se libérer de la peur de façon immédiate. Dans le cas contraire, la peur engendre le désordre, le temps psychologique suscite inévitablement en nous le désordre.
Il est évident que le temps est l’essence même de la pensée : la pensée, c’est le temps. Tant que le temps existe comme moyen de parvenir à quelque chose, l’esprit est incapable à transcender – aller au-delà de soi même est la qualité propre à l’esprit neuf, qui lui, s’est libéré du temps. La peur et le temps sont inséparables. Le temps c’est le mouvement qui part de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ». « Ce qui devrait être » n’est qu’une idée, une fiction, qui ne correspond pas à « ce que je suis » qui, en revanche, est le fait réel, et « ce que je suis » ne peut subir de changement que lorsque je comprends ce désordre qu’engendre le temps. 
Le temps est un poison ; il suscite le désordre. Si ce fait est bien réel pour vous, alors vous allez comprendre de mieux en mieux comment vous délivrer instantanément de la peur. Il se peut, en fait, qu’il y ait une tout autre espèce de temps.Il faut accepter le temps physique, si l’on veut pouvoir attraper un bus ou un train, mais si l’on rejette complètement le temps psychologique, alors on accède à un temps tout à fait autre, sans aucun rapport avec les deux autres formes de temps. J’aimerais tellement que vous puissiez pénétrer avec moi dans ce temps ! Alors, le temps n’est plus le désordre, mais l’ordre le plus formidable qui soit.La vérité ou la compréhension surgit comme un éclair, et ce flash n’a pas de continuité ; il n’est pas dans le champ du temps. Comprendre est quelque chose de frais, d’instantané ; ce n’est pas le prolongement du passé.
Si l’esprit sait percevoir en toute lucidité tout le mécanisme de la conscience, voir tout ce que signifient la continuité et le temps, (...) il se pourrait alors qu’il y ait une mort qui soit un véritable état créatif transcendant totalement le temps.  
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie 
                                                                       
1er octobre
La solution n’est pas du côté du temps
(…) Je constate toute cette notion d’évolution – non pas celle de l’être physique, mais celle de la pensée, qui s’est identifiée à une forme particulière d’existence liée au temps. Le cerveau de toute évidence, a évolué pour parvenir, à son stade actuel, et il est toujours susceptible d'évoluer, de se développer encore. Mais en tant qu’être humain, (…) Pouvons-nous, tout en étant constitués comme nous le sommes,  nous libérer de la peur et du temps psychologique ?
Le temps physique doit exister : nul ne peut y échapper. Mais la question est de savoir si le temps psychologique est en mesure d’apporter l’ordre non seulement à l’individu, mais aussi à la société. Nous faisons partie de la société, nous n’en sommes pas isolés. Que l’ordre règne au-dedans, au sein d’un être humain, et il règnera forcement au-dehors, dans la société.

2 octobre
Un état hors du temps 
 (…) Pour prendre un autobus, ne pas rater le train ou un rendez-vous prévu pour demain, le temps chronologique est nécessaire. Mais, d’un point de vue psychologique, demain a-t-il une existence réelle ? Ou ce demain est-il créé par la pensée, qui, au vu de l’impossibilité de tout changement direct, immédiat, invente ce système de progression graduelle ? Je vois bien moi-même en tant qu’êtres humain, qu’il est terriblement difficile de mettre en œuvre, dans ma manière de vivre, de penser, de ressentir, et dans mes actions, une révolution radicale, et je me dis : « Il me faudra du temps, mais, je vais changer demain, ou dans un mois. » C’est de ce temps-là dont nous parlons ici :
(…) Ce que je fus hier opère à travers le présent pour créer le futur. C’est un phénomène relativement simple. J’ai vécu, il y a un an, une expérience qui a laissé une empreinte dans mon esprit, et je traduis le présent en fonction de cette expérience, du savoir, de la tradition, du conditionnement, et c’est ainsi que je crée ce lendemain. Je suis prisonnier de ce cercle. C’est cela qu’on appelle la vie ; c’est cela qu’on appelle le temps. (…) Mais si nous voulons comprendre cet autre état – il faut parvenir à savoir si l’esprit peut être totalement libéré de toute expérience – c’est-à-dire délivré du temps.  

3 octobre
L’essence même de la pensée
La pensée, c’est le temps ; la pensée, c’est le mécanisme de la mémoire qui crée le temps sous forme d’hier, d’aujourd’hui et demain, sous forme de ce qui nous permet de nous accomplir, et qui nous tient lieu de mode de vie. Le temps revêt pour nous une importance extrême – vie après vie, une vie menant à une autre vie, qui est modifiée, qui continue. (…) C’est le temps qu’il crée la frustration et les conflits, car la perception immédiate du fait, toute vision lucide du fait, est en dehors du temps…
Donc, pour comprendre la peur, nous devons avoir pleinement conscience du temps – le temps en tant que distance, d’espace, de « moi », créés par la pensée sous forme d’hier, aujourd’hui, demain, pensée qui utilise le souvenir de l’hier pour s’adapter au présent et conditionner ainsi le futur. (…) Tout esprit qui est piégé dans les ramifications complexes de la peur ne peut jamais être libre ; il ne peut jamais comprendre la peur dans sa totalité s’il ne comprend le temps dans toute sa complexité. La peur et le temps sont inséparables.

4 octobre
Ce désordre que crée le temps
Le temps c’est le mouvement qui part de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ». (…) Passer de ce qui est à « ce qui devrait être » demande du temps. Et le temps implique un effort occupant l’intervalle entre ce qui est à « ce qui devrait être » (…) Nous sommes pris dans un conflit permanent entre ce qui est à « ce qui devrait être ». « Ce qui devrait être » n’est qu’une idée, une fiction, qui ne correspond pas à « ce que je suis » - qui, en revanche, est le fait réel ; et « ce que je suis » ne peut subir de changement que lorsque je comprends ce désordre qu’engendre le temps. (…) Si je laisse le champ libre à la peur, je vais provoquer un désordre permanent. (…) Aucun processus graduel ne permet de se libérer de la peur, de même qu’aucun processus graduel ne permet de se débarrasser du nationalisme.

5 octobre
Le temps est un poison
Vous avez dans salle de bains un flacon étiqueté « poison », et vous savez que c’est du poison ; vous faites très attention à ce flacon, même dans le noir. (…) vous êtes donc extrêmement vigilant. Le temps est un poison ; il suscite le désordre. Si ce fait est bien réel pour vous, alors vous allez comprendre de mieux en mieux comment vous délivrer instantanément de la peur.
Le temps est un poison ; il suscite le désordre. Si ce fait est bien réel pour vous, alors vous allez comprendre de mieux en mieux comment vous délivrer instantanément de la peur. (…) Mais ce n’est pas tout : il se peut, en fait, qu’il y ait une tout autre espèce de temps. Nous ne connaissons que deux type de temps : le temps physique et le temps psychologique, et nous sommes piégés dans le temps. Le temps physique joue un rôle important dans le psychisme, qui à son tour a une influence sur tout ce qui est physique. Nous nous trouvons pris dans cette bataille, soumis à cette influence. Il faut accepter le temps physique, si l’on veut pouvoir attraper un bus ou un train, mais si l’on rejette complètement le temps psychologique, alors on accède à un temps tout à fait autre, sans aucun rapport avec les deux autres formes de temps. J’aimerais tellement que vous puissiez pénétrer avec moi dans ce temps ! Alors, le temps n’est plus le désordre, mais l’ordre le plus formidable qui soit.


6 octobre
Un flash de vérité

La vérité ou la compréhension surgit comme un éclair, et ce flash n’a pas de continuité ; il n’est pas dans le champ du temps. Il vous suffit de le constater vous-même. Comprendre est quelque chose de frais, d’instantané ; ce n’est pas le prolongement du passé. Le passé ne vous permettra jamais de comprendre. Tant qu’on est à la recherche d’une continuité – qu’on a soif de permanence, en amour, et dans ses relations, ou qu’on recherche la paix éternelle, et tout ce qui s’ensuit – on est à la poursuite de quelque chose qui est dans le périmètre du temps et qui, par conséquent, n’appartient pas à ce qui est hors du temps.

7 octobre
Une quête vaine
(…) Toute l’activité de notre pensée est fondée sur le temps. Et c’est avec cet esprit-là que nous cherchons à trouver ce qui est immortel, ce qui est au-delà du temps – quête tout à fait vaine. Et qui n’a aucun sens, sauf pour les philosophes, les théoriciens et autres penseurs.
(…) Notre esprit peut-il, tandis que nous vivons dans ce monde imbriqué dans le temps, faire éclore un état dans lequel le sujet et l’objet de l’expérience soient sans fondement ? Tant qu’il y a un sujet qui vit l’expérience, un observateur, un penseur, il y a la peur de cesser d’exister, et par conséquent la peur de la mort…Si l’esprit sait percevoir en toute lucidité tout le mécanisme de la conscience, voir tout ce que signifient la continuité et le temps, constater le futilité de cette quête qui prétend découvrir ce qui est au-delà du temps tout en passant par lui – si l’esprit sait voir cela lucidement, il se pourrait alors qu’il y ait une mort qui soit un véritable état créatif transcendant totalement le temps. 





mardi 4 octobre 2016

L'esprit

Qu’est-ce que l’esprit ? Regardez votre l’esprit, observez le fonctionnement de votre pensée… L’esprit est, évidemment, l’ensemble de nos facultés perceptives ou de notre conscience ; c’est le processus total de notre existence ; le processus global de notre pensée. L’esprit est le fruit du cerveau.
L’esprit est constamment incité à se conformer à certains schémas de pensée…En surface, vous avez votre mot à dire dans cette affaire, mais sous la surface, dans les profondeurs de l’inconscient, il y a tout le poids du temps, de la tradition qui vous entraîne dans des directions données...notre esprit est un champ de bataille.  Nous avons soif de sécurité, en sachant, tout au fond de nous, qu’il n’en existe aucune... 
Tel est notre état de conscience, conditionné par le passé, et notre pensée est une réponse conditionnée à la provocation d’un fait ; plus vous réagissez selon le conditionnement d’une croyance, d’un passé, plus vous renforcez le passé. Ce renforcement du passé n’est évidement qu’un prolongement du passé lui-même, qu’il appelle futur. L’état de notre esprit, de notre conscience, est celui d’un pendule qui va et vient entre le passé et le futur.
Est-il possible que l’esprit n’ait pas de modèle, qu’il soit libéré de ce mouvement pendulaire du désir entre passé et futur ? C’est effectivement possible. C’est l’action qui consiste à vivre dans le présent. Vivre, c’est être sans l’espoir, faire fi du lendemain ; ce qu’il ne faut pas confondre avec le désespoir ou l’indifférence. (…) La plus formidable des révolutions, c’est la vie. La vie n’a pas de modèles...La vérité ne se rencontre que l’instant en instant, ce n’est pas un phénomène continu, mais l’esprit qui cherche à la découvrir, étant lui-même le produit du temps, ne peut fonctionner que dans le champ du temps ; il est donc incapable de trouver la vérité. Pour comprendre l’esprit, lorsque vous en connaissez tout le mécanisme – son mode de raisonnement, ses désirs, ses motivations, ses ambitions, ses centres d’intérêt, son envie, son avidité, sa peur – alors l’esprit peut aller au-delà de lui-même, et c’est lorsqu’il se transcende que l’on découvre quelque chose de totalement nouveau. Cette qualité de nouveauté suscite en l’être une formidable passion, un formidable enthousiasme qui provoque une révolution intérieure profonde.
Un esprit perpétuellement assailli de problèmes n’est en aucun cas un esprit sérieux, mais l’esprit qui comprend chacun des problèmes au fur et à mesure de leur apparition, et sait les dissiper immédiatement, afin qu’ils ne se reportent pas sur le jour suivant – cet esprit-là, lui, est sérieux…
L’esprit religieux n’a pas de croyances, pas de dogmes ; il s’attache à un fait, puis à un autre : l’esprit religieux est donc aussi un esprit scientifique. Mais en revanche, l’esprit scientifique n’est pas un esprit religieux. 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
 22 septembre
C’est le cerveau qui produit l’esprit
…Qu’est-ce que l’esprit ? (…)  Si vous ne faites que rester au niveau verbal, et discuter de la nature de l’esprit, vous êtes perdu, parce que jamais vous ne percevrez la qualité de cette chose étonnante qu’on appelle l’esprit.
L’esprit est, évidemment, l’ensemble de nos facultés perceptives ou de notre conscience ; c’est le processus total de notre existence ; le processus global de notre pensée. L’esprit est le fruit du cerveau. Le cerveau engendre l’esprit. L’esprit est l’enfant du cerveau. Sans le cerveau, point d’esprit, mais l’esprit est pourtant distinct du cerveau. Si le cerveau est limité ou endommagé, l’esprit lui aussi sera endommagé. Le cerveau, qui enregistre toutes les sensations, toutes les réactions de plaisir ou de douleur, le cerveau avec tous ses tissus, tous ses réflexes, crée ce que nous appelons l’esprit, bien que l’esprit soit cependant indépendant du cerveau.
Vous n’êtes pas obligés d’admettre tout cela. Vous pouvez le passer au crible de l’expérience, et tirer vos propres conclusions.


23 septembre
L’esprit retenu par son ancre
Nous poursuivons, telles des machines, notre harassante routine quotidienne. Avec quel empressement l’esprit se plie à un schéma de vie, et avec quelle ténacité il s’y accroche ! L’esprit est rivé en place par l’idée (…) et c’est autour de l’idée qu’il organise son existence et fonde son être. L’esprit n’est jamais libre, souple, car il est toujours retenu par son ancre ; il évolue dans l’enceinte, tantôt large, tantôt étroite, de son propre centre. Il n’ose pas s’aventurer loin de ce centre ; et lorsqu’il le fait, il est éperdu de peur. Pas la peur de l’inconnu, mais celle de perdre ce qui est connu. L’inconnu ne suscite pas la peur, alors qu’être dépendant du connu la provoque. (…) L’esprit, qui tisse sans cesse sa toile de schémas, est le géniteur du temps ; et le temps apporte avec lui la peur, l’espoir, et la mort.

24 septembre
L’esprit est le résultat du temps
L’esprit est constamment incité à se conformer à certains schémas de pensée (…) Au niveau conscient, l’esprit est capable, dans certaines limites, de se contrôler et de se guider par lui-même, mais dans l’inconscient, vos ambitions, vos questions non résolues, vos pulsions, vos superstitions, vos craintes sont là, palpitantes, pressantes, aux aguets…
Tout ce champ de l’esprit est le résultat du temps ; l’esprit est le résultat des conflits et des accommodements, de toute une succession de consentements donnés sans pleine compréhension ; notre vie est un processus de lutte incessante. (…) A vrai dire, nous refusons d’être confrontés au fait que la sécurité n’existe pas ; nous sommes donc toujours à la poursuite de la sécurité, avec pour résultat la peur que suscite son absence.

25 septembre
La plus formidable des révolutions, c’est la vie 
L’esprit est maintenue dans un modèle ; son existence même est le cadre à l’intérieur duquel il fonctionne et se meut. Le modèle fait référence au passé ou au futur, c’est l’espoir et le désespoir, la confusion et l’utopie, c’est ce qui a été et ce qui devrait être. (…) Briser les modèles, les anciens comme les soi-disant nouveaux, est de la plus extrême importance si l’on veut mettre de l’ordre dans ce chaos. C’est pourquoi il est tellement important de comprendre le mécanisme de l’esprit…
Est-il possible que l’esprit n’ait pas de modèle, qu’il soit libéré de ce mouvement pendulaire du désir entre passé et futur ? C’est effectivement possible. C’est l’action qui consiste à vivre dans le présent. Vivre, c’est être sans l’espoir, faire fi du lendemain ; ce qu’il ne faut pas confondre avec le désespoir ou l’indifférence. (…) La plus formidable des révolutions, c’est la vie. La vie n’a pas de modèles, mais la mort en a : le passé ou le futur, ce qui a été, ou l’utopie.

26 septembre
La révolution intérieure
(…) Si je veux connaître l’esprit, l’esprit doit se connaître lui-même, car il n’existe pas de « je » indépendant de l’esprit. (…) de même que les qualités du diamant sont indissociables du diamant lui-même. Pour comprendre l’esprit, vous ne pouvez pas l’interpréter en fonction des idées d’un autre que vous, mais vous devez observer comment fonctionne votre propre esprit dans sa globalité. Lorsque vous en connaissez tout le mécanisme – son mode de raisonnement, ses désirs, ses motivations, ses ambitions, ses centres d’intérêt, son envie, son avidité, sa peur – alors l’esprit peut aller au-delà de lui-même, et c’est lorsqu’il se transcende que l’on découvre quelque chose de totalement nouveau. Cette qualité de nouveauté suscite en l’être une formidable passion, un formidable enthousiasme qui provoque une révolution intérieure profonde : et seule cette révolution intérieure peut transformer le monde – ce qu’aucun système politique ou économique n’est capable de faire.

27 septembre
La conscience est une 
Il n’y a en fait qu’un seul état, et non deux, le conscient et l’inconscient. Il n’y a qu’un état d’être, lequel est conscience, (…) mais cette conscience est toujours du passé, jamais du présent. L’on n’est conscient que de ce qui est passé. (…) Observez vos cœurs et vos esprits, et vous verrez que la conscience fonctionne entre le passé et le futur et que le présent n’est que le passage du passé au futur… (...) Tantôt le passé est un chemin d’évasion hors du présent (lequel est probablement désagréable), tantôt le futur est un espoir situé en dehors du présent. L’esprit est toujours absorbé dans le passé ou dans futur et rejette le présent… Soit il condamne et rejette le fait, soit il l’accepte et s’identifie avec lui. Un tel esprit est évidement incapable de voir un fait en tant que fait. Tel est notre état de conscience, conditionné par le passé, et notre pensée est une réponse conditionnée à la provocation d’un fait ; plus vous réagissez selon le conditionnement d’une croyance, d’un passé, plus vous renforcez le passé. 
Comment un esprit qui est le produit du temps peut-il jamais trouver ce qui est hors du temps?
Par quoi sommes-nous généralement intéressés?

28 septembre
Au-delà du temps
Il va de soi que l’esprit qui est conditionné ne peut pas découvrir ce qui est au-delà du temps.
(…) l’esprit tel que nous le connaissons est conditionné par le passé. Le passé, se prolongeant à travers le présent jusqu’au futur, conditionne l’esprit ; et cet esprit conditionné, en proie au conflit, au malheur, à la peur, à l’incertitude, est à la recherche de quelque chose qui dépasse les frontières du temps. (…) Comment un esprit qui est le produit du temps peut-il jamais trouver ce qui est hors du temps ?  La demeure de vos croyances, vos biens, vos attachements et vos modes de pensée rassurants est sans cesse violée, mais l’esprit persiste à vouloir la sécurité ; il y a donc conflit entre ce que vous désirez et ce que l’engrenage de l’existence exige de vous. C’est ce qui nous arrive à tous…
(…) L’existence quotidienne, avec toutes ses difficultés, semble suffire à la plupart d’entre nous. Notre unique préoccupation est de trouver une réponse immédiate à nos problèmes divers, mais tôt ou tard les réponses immédiates s’avèrent peu satisfaisantes, parce que, quel que soit le problème, il n y a pas de réponse, si ce n’est dans le problème lui-même. Et si je sais comprendre le problème, si j’en saisis les moindres nuances, alors il n’existe pas.

29 septembre
L’esprit qui a des problèmes manque de sérieux
L’une des principales questions que l’on doit se poser est de savoir jusqu'à quel point,  jusqu’à quel niveau de profondeur l’esprit est capable de voir clair en lui-même. Telle est la qualité de sérieux, laquelle suppose que nous ayons conscience de tout l’ensemble des structures psychologiques de notre être, avec ses exigences, ses pulsions, son désir d’accomplissement, et ses frustrations, ses misères, ses tensions et ses angoisses, ses luttes, ses souffrances et ses innombrables problèmes qui sont les siens. (…) Un esprit perpétuellement assailli de problèmes n’est en aucun cas un esprit sérieux, mais l’esprit qui comprend chacun des problèmes au fur et à mesure de leur apparition, et sait les dissiper immédiatement, afin qu’ils ne se reportent pas sur le jour suivant – cet esprit-là, lui, est sérieux…
Par quoi sommes-nous généralement intéressés ? Si nous avons l’argent, nous nous tournons vers les choses dites spirituelles, ou les divertissements intellectuels, ou nous avons des discussions sur l’art, (…) Si nous n’avons pas l’argent, nous passons le plus claire de notre temps à en gagner, et jour après jour nous sommes happés par cette misère, cette routine sans fin et l’ennui qu’elle distille. (…) Mais rien de tout cela ne déclenchera cette formidable mutation de l’esprit.

30 septembre
L’esprit religieux inclut l’esprit scientifique
L’esprit religieux est celui qui s’est affranchi de toute autorité. Et il est extrêmement difficile de ne dépendre d’aucune autorité – ni celle imposée par autrui, ni celle de l’expérience que nous avons engrangée et qui est liée au passé, à la tradition. L’esprit religieux n’a pas de croyances, pas de dogmes ; il s’attache à un fait, puis à un autre : l’esprit religieux est donc aussi un esprit scientifique. Mais en revanche, l’esprit scientifique n’est pas un esprit religieux. (…) L’esprit religieux s’intéresse à l’existence humaine dans sa totalité, à son fonctionnement global, et non à une fonction particulière. Le cerveau, lui, s’intéresse à une fonction particulière. Il se spécialise. (…) Comme chez le scientifique, le médecin, le musicien, (…) dont le champ est très restreint, qui sont responsables des divisions non seulement intérieures, mais extérieures. C’est sans doute le scientifique qui, au même titre que le médecin, est actuellement considéré par la société comme le plus éminent et le plus indispensable de ses membres. La fonction prend donc une importance prédominante, car le statut social, c'est-à-dire le prestige, en dépend. Là où il y a spécialisation, il y a donc fatalement contradiction, et aussi un rétrécissement de l’esprit ; ainsi fonctionne le cerveau.