lundi 20 juin 2016

La conscience sans choix

Il n’existe pas le lieu de destination, il y a uniquement ce mouvement d’apprendre, qui ne devient douloureux que lorsqu’on accumule le savoirRegarder un fait, c’est en avoir la conscience claire – une conscience sans choix, sans condamnation, sans préférence ni aversion.  Lorsque vous avez pour intérêt principal de comprendre le fait et lui seul, et que vous voyez que le passé qui interfère vous empêche de comprendre le fait, alors l’intérêt vital que vous portez au fait efface définitivement ce passé. Si ce n'est pas de manière totale que vous regardez les opérations de votre esprit, vous n’êtes pas pleinement conscient.
Avoir pleinement conscience de ses pensées et de  ses sentiments, sans s’identifier à eux ni les renier, n’a rien fastidieux ni de douloureux ; mais si l’on est à l’affût d’un résultat, d’un objectif à atteindre, le conflit ne fait que s’accroître et l’ennui de l’effort s’installe. L’effort dénature tout. J’entends par laisser fleurir une pensée le fait de lui permettre de se déployer en toute liberté, et observer le résultat, voir ce qui se passe dans votre pensée, dans votre sentiment. C’est lorsque on observe un problème silencieusement, sans condamnation ni justification, qu’il advient une conscience passive, le problème est compris et se dissout. Il y a en elle une sensibilité accrue, qui abrite la forme la plus élevée de pensée. « Négative ».  N’être rien n’est pas l’antithèse d’être quelque chose.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

14 Juin
Un parcours sans destination
L’humilité peut-elle être pratiquée ? Avoir conscience d’être humble n’est certainement pas faire preuve d’humilité. Vous voulez tous savoir que vous êtes arrivés au but. Mais, (…) il n’est pas question d’arriver, il y a seulement ce mouvement qui consiste à apprendre – est c’est cela la beauté de la vie. Si on est arrivé, alors il n’y plus rien. Et vous tous, vous êtes tous arrivés, ou désireux de l’être, et ce non seulement en affaires, mais dans tout ce que vous faites ; d’où votre insatisfaction, votre frustration, votre détresse. (…) Un esprit qui écoute avec une attention parfaite ne cherchera jamais de résultat, parce qu’il élargit sans cesse ; il est comme un fleuve, toujours en mouvement. Cet esprit-là est totalement inconscient de sa propre activité, en ce sens qu'il ne se perpétue pas sous forme d’un « moi », sous forme d’un ego qui cherche à atteindre un but. 

15 Juin
Savoir n’est pas avoir conscience
La conscience claire est cet état d’esprit qui observe, sans condamnation ni acceptation, qui fait simplement face aux choses telles qu’elles sont.  Lorsque vous observez une fleur sans vous soucier de botanique, vous voyez alors la totalité de la fleur, mais si votre esprit est complètement absorbé par la connaissance  de ce qu’est cette fleur en termes de botanique, vous n’avez pas d’elle une vision totale. (…) Par tradition ou par profession, et de toute façon, nous ne sommes pas capables de faire face à un fait sans interférence de notre vécu antérieur. Il faut que nous soyons conscients de ce vécu. Il faut que nous soyons conscients de notre conditionnement, et il se manifeste lorsque nous observons un fait ; et comme ce qui vous intéresse, c’est l’observation du fait et non l’arrière – plan du vécu, ce dernier est éliminé de la scène. Lorsque vous avez pour intérêt principal de comprendre le fait et lui seul, et que vous voyez que le passé qui interfère vous empêche de comprendre le fait, alors l’intérêt vital que vous portez au fait efface définitivement ce passé.     

16 juin
L’introspection est imparfaite   
Dans la conscience claire il n’y a que le présent – autrement dit, votre prise de conscience vous permet de voir le mécanisme d’influence grâce auquel le passé contrôle le présent et modifie le futur. La conscience claire est un processus intégral, pas un processus de division. (…) Si l’on sait être lucide, on voit comment la conception que nous avons de Dieu est liée à la peur ; ou peut-être y eut-il une personne qui, ayant eu l’expérience première de la réalité ou de Dieu, la communiqua à une autre personne, qui dans son avidité se l’appropria, et donna élan au processus d’imitation. La conscience claire est le processus de la perfection ; l’introspection est imparfaite.  L’introspection a des effets morbides et douloureux, alors que la conscience claire est enthousiasme et joie.     

17 juin
Voir l’intégralité    
Comment regardez-vous un arbre ? Le voyez-vous dans son intégralité? (…) Vous pouvez passer devant l’arbre et dire : « Tiens, un arbre, comme il est beau ! » ou dire : « c’est un manguier » ou encore : « Je ne sais pas à quelle espèce appartiennent ces arbres, ce sont peut-être tamariniers. » (…) L’arbre comprend les racines, le tronc, les branches, les grosses et les petites, jusqu’au petit rameau délicat qui se dresse là-haut ; et la feuille, la feuille morte, la feuille fanée, et la feuille verte, celle qui est rongée, celle qui est laide, celle qui tombe, et le fruit, et la fleur – c’est cela que vous voyez comme un tout lorsque vous voyez un arbre. De même, dans cet état où vous voyez les opérations de votre esprit, dans cet état de vigilance, il y a vos réactions de condamnation, d’approbation, vos refus, vos luttes, votre futilité, votre désespoir, vos espoirs, vos frustrations ; la conscience claire couvre l’ensemble de tout cela, pas rien qu’une partie. Alors, avez-vous conscience de votre esprit en ce sens-là, qui est tout simple, aussi simple que de regarder un tableau en entier – au lieu d’en voir un seul pan et de demander : « Qui a peint ce tableau ? ».   

18 juin
La conscience ne se plie à aucune discipline
Si la conscience fait l’objet d’une pratique, d’une habitude, alors son exercice devient fastidieux et douloureux. La conscience ne peut être pliée à aucune discipline. Ce qui fait l’objet d’une pratique n’est plus de l’ordre de la conscience claire, car toute pratique suppose l’instauration d’une habitude, la mise en œuvre d’un effort et l’exercice de la volonté.
L’effort dénature tout. La conscience couvre non seulement notre environnement extérieur (…) Mais elle couvre aussi le mécanisme de notre psyché, nos tensions et conflits internes. Vous ne condamnez pas un oiseau en vol : vous l’observez, vous en voyez la beauté. Mais, lorsque vous considérez vos déchirements intimes, c’est pour les condamner ou les justifier. Vous êtes incapable d’observer ces conflits internes sans aucune notion de choix ni de justification.  

19 juin
La floraison de la pensée
La conscience claire est un état d’esprit qui peut tout embrasser – le vol des corbeaux à travers le ciel, les fleurs sur les arbres, les gens assis là aux premiers rangs et les couleurs qu’ils portent - , il nous faut avoir cette amplitude de conscience qui exige que l’on examine, que l’on observe, que l’on remarque la forme de la feuille, la forme du tronc, la forme qu’a la tête du voisin, ce qu’il est en train de faire. Avoir cette amplitude de conscience, et agir sur ces bases – c’est cela, avoir conscience de la totalité de son être. (…) compris grâce à la perception de chaque pensée, de chaque sentiment, sans qu’on oppose de limites à cette perception, mais en laissant fleurir toutes les pensées, tous les sentiments, (…)
Laisser fleurir une pensée ou un sentiment demande de l’attention – pas de la concentration. J’entends par laisser fleurir une pensée le fait de lui permettre de se déployer en toute liberté, et observer le résultat, voir ce qui se passe dans votre pensée, dans votre sentiment. Tout ce qui fleurit a besoin de liberté, de lumière, et ne peut être assujetti à aucune restriction. On ne peut pas l’évaluer, on ne peut pas dire : « c’est bien, c’est mal ; ceci est acceptable, cela ne l’et pas » car c’est ainsi qu’on limite cette floraison de la pensée.

20 juin
La vigilance passive
Dans la perception lucide, il n’y a ni devenir, ni objectif à atteindre, mais une observation sans choix ni condamnation d’où naît la compréhension. Dans ce processus qui laisse libre cours au déploiement des pensées et sentiments – ce qui n’est possible que s’ils ne sont ni thésauriser ni accepté – survient alors une perception élargie, qui met au jour tous les niveaux occultes de notre être et leur signification. Cette perception nous révèle ce vide créateur qui ne peut être imaginé ni formulé. Perception élargie et vide créateur ne sont pas deux stades différents d’un même processus : ils forment un processus global. C’est lorsque on observe un problème silencieusement, sans condamnation ni justification, qu’il advient une conscience passive, le problème est compris et se dissout. Il y a en elle une sensibilité accrue, qui abrite la forme la plus élevée de pensée. « Négative ». Lorsque l’esprit est constamment occupé à formuler, à produire, nulle création n’est possible. Lorsque l’esprit est silencieux et vide, et qu’il ne suscite pas le moindre problème – ce n’est que là, dans cette passivité vigilante, qu’il y a création. La création ne peut avoir lieu qu’« en négatif » - ce « négatif » n’étant pas le contraire de positif. N’être rien n’est pas l’antithèse d’être quelque chose. Un problème n’apparaît que lorsqu’on est en quête de résultats. Quand cesse la quête, cessent les problèmes.

21 juin
Jamais ne se répète ce qui est pleinement compris
(…) Tous les sentiments et pensées sont projetés sur l’écran de la conscience claire pour y être observés, étudiés et compris ; mais ce flux de compréhension est stoppé dès qu’entrent en jeu condamnation ou acceptation, jugement ou identification. Mieux l’écran est observé et compris (…) plus grande est l’intensité de la perception, et cela provoque à son tour une compréhension élargie. (…) la double faculté du penser – ressentir ne peut être étudiée et comprise que si l’esprit est capable d’adapter un mouvement lent ; (…) Notre handicap, c’est cette difficulté que nous avons à ralentir l’allure de notre esprit afin de pouvoir suivre et comprendre une à une chaque pensée – sentiment. Jamais ne se répète ce qui est appréhendé en profondeur et pleinement compris.

                                                    



                                      

                                                                       

lundi 13 juin 2016

L'attention

Le fait même d’écouter, de voir une chose en tant que fait a un effet extraordinaire, sans que la pensée ne fasse aucun effort. Si on écoute – en ce sens que l’on s’abstient de toute évaluation, de toute réaction, de tout jugement - , alors, assurément, le fait crée cette énergie qui anéantit, qui élimine, qui balaye l’ambition génératrice de conflit. Il est essentiel qu’il y ait de l’espace au sein de notre esprit.

S’il y a de l’espace dans votre esprit, alors dans cet espace il y a le silence – et c’est de cet espace que vient tout le reste, car on peut alors écouter, on peut exercer une attention sans résistance. La méditation est donc un processus dans lequel on libère l’esprit de tous les systèmes, et on exerce une attention exempte de toute absorption de l’esprit ainsi que de tout effort de concentration. Dans l’éducation de la pensée, l’accent doit être mis sur l’attention et non sur la concentration. Pour comprendre totalement quelque chose, vous devez y investir votre attention complète. Mais vous allez vite apercevoir de l’extrême difficulté de l’opération, car votre esprit est habitué à être distrait. On peut enseigner la concentration, mais l’attention ne s’apprend pas, de même qu’on n’apprend pas à se libérer de la peur ; mais c’est par la compréhension même de ces causes que s’élimine la peur. L’attention naît spontanément lorsqu’autour de l’élève existe une atmosphère de bien-être, lorsqu’il se sent en sécurité, à l’aise, et qu’il est conscient d’une action désintéressée par l’amour. L’amour ne compare pas, de sorte que cessent la jalousie et la torture de « devenir ».
Krishnamurti : Le vivre de la méditation et de la vie
7 Juin
L’art d’écouter est un art qui libère
Quelqu’un vous parle, vous écoutez. L’acte même d’écouter est l’acte qui libère. Lorsque vous voyez le fait, la perception même de ce fait vous en libère… Prenons l’ambition, par exemple. (…) L’esprit ambitieux est cruel – tant sur le plan spirituel que sur le plan extérieur ou intérieur. Vous avez déjà entendu ces remarques. Vous les entendez donc, et en les entendant, vous les traduisez à votre façon et vous dites : « Comment puis-je vivre dans cet univers fondé sur l’ambition ? » Ce qui prouve que vous n’avez pas écouté. Vous n’avez fait que répondre, réagir à un énoncé, à un fait ; donc vous ne regardez pas le fait ; vous vous contentez de l’interpréter, ou de donner votre opinion sur lui, ou réagir par rapport à lui ; donc, vous ne regardez pas le fait…

 8  juin
Une attention sans résistance
Vous savez ce qu’est l’espace. (…) La distance entre l’endroit où nous sommes et votre foyer d’étudiant, entre le pont et chez vous (…) Alors, y a-t-il aussi espace  dans votre esprit ? Ou est-il tellement encombré qu’il n’y a plus le moindre espace ? S’il y a de l’espace dans votre esprit, alors dans cet espace il y a le silence – et c’est de cet espace que vient tout le reste, car on peut alors écouter, on peut exercer une attention sans résistance.
Il est essentiel qu’il y ait de l’espace au sein de notre esprit. Si l’esprit n’est pas plein à craquer, s’il n’est pas sans cesse occupé, alors il peut écouter ce chien qui aboie, le bruit du train qui traverse le pont au loin, et avoir aussi pleinement conscience de ce que dit une certaine personne assise ici, à vous parler ? Alors, l’esprit est une chose vivante, il n’est pas mort.

9  juin
Une attention libérée de tout effort
Existe-t-il une attention dans laquelle rien ne vienne absorber l’esprit ? Une attention excluant toute concentration sur un objet ? Une attention dénuée de tout motif, de toute influence, de toute contrainte ? L’esprit peut-il prêter  pleinement attention à un objet sans qu’intervienne aucune notion d’exclusion ? Il en est assurément capable, et c’est le seul état d’attention existant, les autres n’étant que complaisance, ou simple supercherie de l’esprit.  Si vous êtes capable d’une attention parfaite sans vous laisser absorber par l’objet, et sans aucune notion d’exclusion,  alors vous découvrirez ce qu’est méditer ;  car dans cette attention n’entre ni effort, ni division, ni lutte, ni quête de résultat. La méditation est donc un processus dans lequel on libère l’esprit de tous les systèmes, et on exerce une attention exempte de toute absorption de l’esprit ainsi que de tout effort de concentration.

10 juin
Une attention qui n’est pas exclusive
Je pense qu’il existe  une différence entre l’attention qui a un objet et l’attention  qui est sans objet. On peut se concentrer sur une idée, une croyance, un objet particulier – ce qui est un système exclusif ; mais il y a aussi une attention, une conscience non exclusive. De même, il existe un mécontentement dénué de motif, qui n'est pas le fruit d'une frustration quelconque, qui ne peut pas canaliser, qui ne peut trouver aucun apaisement. (...) L'essentiel, c'est cet extraordinaire mécontentement. 

11 juin 
L’attention n’a ni frontières ni limites
(…) La concentration est un processus qui contraint l’esprit à rétrécir sa vision à un point, alors que l’attention n’a pas de frontière. Se concentrer, c’est emprisonner l’esprit dans des frontières, le limiter ; mais ce qui nous intéresse, c’est de comprendre l’esprit dans sa totalité, donc la concentration devient une gêne. (…) Dans l’état d’attention, notre esprit peut se servir, et se sert effectivement, des connaissances, qui sont le résultat obligé de la concentration ; mais la partie n’est pas le tout, et ce n’est pas en additionnant les parties qu’on parvient à la compréhension du tout. Le savoir, qui est le processus additif de la concentration, ne mène pas à la compréhension  de l’immesurable. Un esprit qui se concentre ne peut jamais embrasser la totalité.
(…) L’attention est un état dans lequel on est toujours en train d’apprendre sans un centre de conscience autour duquel s’amassent des connaissances sous forme d’expériences accumulées. Un esprit concentré sur lui-même se sert des connaissances comme moyen d’expansion personnelle, et cette activité devient contradictoire en elle-même et antisociale.

12 juin
L’attention totale
L’attention : qu’entendons-nous par ce mot ? Y a-t-il attention lorsque je force mon esprit à être attentif ? (…) Que se passe-t-il quand on se force à l’attention ? L’esprit crée une résistance destiné à empêcher l’infiltration d’autres pensées ; il est trop occupé à résister, à éliminer pour être capable d’attention. C’est la vérité, n’est-ce pas ? Pour comprendre totalement quelque chose, vous devez y investir votre attention complète. Mais vous allez vite apercevoir de l’extrême difficulté de l’opération, car votre esprit est habitué à être distrait ; (…) Autrement dit, vous en êtes revenu au désir de parvenir à un résultat, vous ne serez donc jamais totalement attentif…(…) Si vous êtes pleinement conscient, totalement attentif lorsque vous regardez quelque chose, vous vous apercevez qu’une transformation  radicale se fait jour et cette attention totale, c’est cela, le bien. Il n’en existe pas d’autre, et cette attention ne s’obtient pas par la pratique. La pratique permet de se concentrer – mais cela, ce n’est pas de l’attention, c’est de l’exclusion.

 13 juin
Là où finit peur commence l’attention
Comment provoquer l’état d’attention ? On ne peut pas le cultiver par la persuasion, la comparaison, la récompense ou la punition, qui sont toutes des formes de contrainte. L’élimination de la peur est le commencement de l’attention. La peur existe inévitablement tant qu’existe  le désir d’être ou de devenir, qui est une quête du succès avec toutes ses frustrations  tortueuses. On peut enseigner la concentration, mais l’attention ne s’apprend pas, de même qu’on n’apprend pas à se libérer de la peur ; mais c’est par la compréhension même de ses causes que s’élimine la peur. L’attention naît spontanément lorsqu’autour de l’élève existe une atmosphère de bien-être, lorsqu’il se sent en sécurité, à l’aise, et qu’il est conscient d’une action désintéressée par l’amour. L’amour ne compare pas, de sorte que cessent la jalousie et la torture de « devenir ». 

  

mercredi 8 juin 2016

L'énergie

La quête de la réalité exige une immense énergie ; et si l’homme ne s’investit pas dans cette quête, il dissipe son énergie dans des voies qui n’engendrent que le malheur, c’est pourquoi la société le met sous surveillance. Est-il donc possible de libérer cette énergie par et dans la recherche de Dieu ou de la vérité, et, tout en poursuivant cette découverte de ce qui est vrai, d’être un citoyen qui comprend les problèmes essentiels de la vie, sans que la société ne puisse le détruire. Dans cette quête de la réalité, l’énergie crée sa propre discipline. Celui qui cherche spontanément la vérité devient un citoyen authentique... la source principale de déperdition d’énergie est le conflit. Tant que l’idée aura plus d’importance que le fait, le conflit existera toujours.
(…) Existe-t-il une énergie qui ne relève pas du champ étroit de la pensée, qui ne découle pas de cette énergie irrépressible issue de nos propres contradictions, et qui ne résulte pas d’un accomplissement personnel qui n’est donc que la frustration ? L’apogée de cette énergie, sa plus haute forme, c’est l’état dans lequel l’esprit est dénué de toute idée, de toute pensée, de toute notion de directive ou de mobile – là est l’énergie pure. Et cette qualité d’énergie ne peut faire l’objet d’aucune quête.
 Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
1er juin
L’énergie
(...) En fait, l’homme est énergie, et s’il n’est pas à la recherche de la vérité, cette énergie devient destructrice ; c’est pourquoi la société contrôle et façonne l’individu – étouffant par là même cette énergie… Et vous avez peut-être remarqué un autre fait tout simple et très intéressant, à savoir qu’il suffit que l’on ait vraiment envie de faire quelque chose pour en avoir l’énergie…Cette énergie devient en elle-même un agent de contrôle, vous n’avez donc plus besoin d’aucune discipline extérieure. Dans cette quête de la réalité, l’énergie crée sa propre discipline.

2 juin
Toute dualité suscite un conflit
Tout conflit, qu’il soit d’ordre physique, psychologique, ou intellectuel, est une perte d’énergie. (…) Par notre éducation, nous avons presque tous été rodé à la lutte, à l’effort. Faire des efforts – voilà la première chose qu’on nous enseigne à l’école. Et cette lutte, ces efforts se poursuivent tout au long de notre vie – pour être bon, nous dit-on, il faut lutter, il faut combattre le mal, il faut résister, contrôler. Donc, sur le plan éducatif, social et religieux, on apprend aux hommes à lutter. (…) Alors, dans la vie sociale, c’est chacun pour soi et pour sa famille.
… C’est ainsi que, de toutes parts, nous gaspillons notre énergie. Et c’est le conflit qui est le responsable essentiel de ce gâchis : (…)
Une fois créée la dualité, le conflit est inévitable. Il ne s’agit pas de nier la distinction entre homme et femme, entre vert et rouge, entre lumière et ombre, entre grand et petit : ce sont des faits. Mais dans tout effort visant à créer cette division entre le fait et l’idée, le gaspillage d’énergie intervient.

3 juin
Tel schéma, telle idée
Si vous dites ; « Comment vais-je faire pour économiser mon énergie ? »  Vous avez dès lors créé un schéma à suivre pour la pensée – (…) puis vous organisez votre vie en fonction de ce schéma : c’est le point de départ d’une nouvelle contradiction. Alors que, si vous repérez par vous-même où a lieu ce gaspillage de vos énergies, vous verrez que la principale cause de gaspillage est le conflit – le fait, par exemple, d’avoir un problème toujours irrésolu, de vivre avec le souvenir mortifère de quelque chose qui n’est plus, de vivre dans la tradition. Il est essentiel que nous comprenions la nature de cette dilapidation de l’énergie et que cette compréhension, (…) se fasse par l’observation authentique des conflits de notre vie quotidienne. Donc, la source principale de déperdition d’énergie est le conflit. Tant que l’idée aura plus d’importance que le fait, le conflit existera toujours.

4 juin
La contradiction appelle le conflit
Vous constatez que nous sommes, pour la plupart, en butte à des conflits, que la contradiction, non seulement interne, mais externe, domine notre existence. La contradiction implique l’effort… Là il y a effort, il y a gâchis – gaspillage d’énergie. (…) Lorsqu’on résiste à quelque chose, cette résistance même est source d’énergie…Toute action est fondée sur cette friction entre ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire. Et ce type de résistance,  cette forme de conflit, engendre effectivement une énergie ; mais cette énergie, si vous observez de très près, n’est pas créatrice, mais au contraire très destructrice… La plupart des gens baignent dans la contradiction. Et s’ils possèdent un don, un talent, pour l’écriture, ou la peinture, ou quoi que ce soit d’autre, la tension que crée en eux cette contradiction  leur donne l’énergie d’exprimer, plus grand est le conflit, plus grandiose est le résultat, et c’est ce que nous appelons la création. Mais cela n’a rien à voir avec la création, ce n’est que le résultat d’un conflit. Faire face au fait que l’on baigne dans le conflit, la contradiction, fera jaillir cette qualité d’énergie qui n’est pas le fruit d’une résistance.

5 juin
L’énergie créatrice
(…) Existe-t-il une énergie qui ne relève pas du champ étroit de la pensée, qui ne découle pas de cette énergie irrépressible issue de nos propres contradictions, et qui ne résulte pas d’un accomplissement personnel qui n’est donc que la frustration ?
 (…) Si nous ne parvenons pas à cette qualité d’énergie qui n’est pas un simple produit de la pensée – (…) toute action sera destructrice, (…) En définitive, toute pensée incluse dans le temps est invention : tous les gadgets, les avions à réaction, les réfrigérateurs, les fusées, l’exploration de l’espace, de l’atome, tout cela est le fruit du savoir, de la pensée. Ces choses- là ne sont pas de l’ordre de la création ; l’invention n’est pas la création ; la compétence n’est pas la création ; la pensée ne peut jamais être créatrice, car elle est toujours conditionnée et ne peut jamais être libre. La seule énergie créatrice est celle qui n’est pas issue de la pensée.

6 juin
La plus haute forme d’énergie
L’idée que l’on se fait de l’énergie, c’est tout autre chose que l’énergie elle-même en tant que fait. (…) L’apogée de cette énergie, sa plus haute forme, c’est l’état dans lequel l’esprit est dénué de toute idée, de toute pensée, de toute notion de directive ou de mobile – là est l’énergie pure. Et cette qualité d’énergie ne peut faire l’objet d’aucune quête. (…) Pour découvrir par nos propres moyens la nature de cette énergie, nous devons d’abord comprendre comment se dilapide l’énergie au quotidien – celle qui nous faut pour parler, écouter un oiseau, (…) L’observation de toute chose est énergie. Cette énergie nous la tirons de notre nourriture, des rayons du soleil. (…) Mais cette même énergie, qui devient l’énergie de la psyché – autrement dit la pensée - , cette énergie, dès qu’elle est en contradiction avec elle-même, n’est plus que de l’énergie gâchée.