samedi 24 septembre 2016

Le savoir

La compréhension fondamentale de soi-même n’est pas le fruit d’une accumulation de connaissances ou d’expériences.Celles-ci s’appuient sur la mémoire, tandis que
la  connaissance de soi est d’instant en instant.
Tout d’abord, il vous faudrait comprendre le processus de votre pensée. Et c’est la seule façon de découvrir quelque chose de neuf, ne croyez-vous pas ?
Nous pensons à tout autre chose : à ce sens de félicité créative qu’aucune somme de savoir ou de connaissances ne donnera jamais. Etre en félicité créative, dans le vrai sens de ce mot, c’est être libéré du passé, d’instant en instant ; car, c’est le passé qui constamment projette son ombre sur le présent.
Le savoir est nécessaire, la science a son utilité ; mais si le cœur et l’esprit sont étouffés par les connaissances, et si la cause de la souffrance est oblitérée par des explications, la vie devient vaine et n’a plus de sens…
L’intelligence est bien supérieure à l’intellect, car elle est l’intégration de l’amour et de la raison. Mais il n’y a d’intelligence qu’en la connaissance de soi, en la profonde compréhension du processus total de soi-même.
La fonction de l’intellect est donc toujours, d’explorer, d’analyser, de chercher à savoir ; mais parce que nous avons soif de sécurité intérieure, psychologique, parce que nous sommes effrayés, angoissés par la vie, nous en arrivons à une conclusion donnée, et nous engageons à son service.
Nous avons d’un côté l’intellect, avec sa capacité de raisonnement, fondée sur ses préférences et ses aversions, sur son conditionnement, sur son expérience et son savoir, et de l’autre côté nous avons la sensitivité, qui est corrompue par la société, par la peur. Vont-ils à eux deux nous révéler la vérité ? Ou n’y a-t-il que la perception, et rien d’autre ?
L’esprit qui apprend ne dit jamais « je sais », parce que le savoir est toujours fragmentaire, alors qu’apprendre est toujours quelque chose d'intégral. Apprendre ne signifie pas partir d’une certaine somme de connaissances pour en ajouter de nouvelles. Cela n’est qu’un simple processus mécanique ; or apprendre est quelque chose de tout différent. (…) J’apprends à propos de moi-même d’instant en instant, et ce moi-même est vital, essentiel ; il vit, il bouge, il n’a ni commencement ni fin.
Grâce à l’expérience, en lisant, en écoutant, l’esprit accumule des connaissances, c’est un processus de thésaurisation, par lequel nous ajoutons à ce qui est déjà connu, et c’est sur la base de cet arrière-plan que nous fonctionnons.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
                                                                         
15 septembre
Une compréhension d’instant en instant
(…) Si nous ne faisons qu’accumuler des données sur le moi, ces informations mêmes nous empêchent de nous comprendre plus profondément, car cet entassement de savoir et d’expériences devient un foyer où la pensée se concentre et a son être.

16 septembre
Comprenez le processus de votre pensée
Supposez que vous n’ayez jamais lu aucun livre de religion ou psychologie, et que vous deviez trouver le sens, la signification de la vie. (…) Tout d’abord, il vous faudrait comprendre votre processus de pensée, n’est-ce pas, et ne pas vous projeter, vous et vos pensées, dans le futur et créer un Dieu qui vous fasse plaisir : ce serait trop enfantin.
(…) Lorsque nous disons que le savoir et les connaissances sont un obstacle, une gêne, nous ne parlons pas des connaissances technologiques – ni de l’efficience qu’elles confèrent. Nous pensons à tout autre chose : à ce sens de félicité créative qu’aucune somme de savoir ou de connaissances ne donnera jamais. Etre créatif, dans le vrai sens de ce mot, c’est être libéré du passé, d’instant en instant ; car, c’est le passé qui constamment projette son ombre sur le présent. Nous accrocher à des informations, aux expériences d’autrui, à ce qu’un tel a dit – quelque grand qu’il soit – et essayer de conformer nos actes à ces pensées, tout cela est du monde des connaissances ; car il est très facile, au moyen de connaissances et de croyances, d’avoir des expériences ; mais celles-ci n’étant que le produit de projections personnelles sont irréelles, fausses.

17 septembre
Le savoir n’est pas la sagesse
Notre soif de savoir, notre désir d’acquérir sans cesse quelque chose nous fait perdre l’amour, et ainsi s’émoussent et le sentiment que nous avons de la beauté, et notre sensibilité à la cruauté.
(…) aucune somme d’explications ni aucune accumulation de faits ne libéreront l’homme de la souffrance. (…) L’information, la connaissance des faits, bien qu’elle augmente en permanence, est, par sa nature même, limité. La sagesse est infinie, elle inclut la connaissance et le processus de l’action ; mais nous saisissons une branche et croyons que c’est l’arbre entier. (…) Nous avons séparé l’intellect de la sensibilité, et avons développé celui-ci à son détriment. (…) L’intelligence est bien supérieure à l’intellect, car elle est l’intégration de l’amour et de la raison. Mais il n’y a d’intelligence qu’en la connaissance de soi, en la profonde compréhension du processus total de soi-même.
 

18 septembre
La fonction de l’intellect
Je ne sais si vous avez déjà réfléchi à la nature de l’intellect. L’intellect et ses activités ne posent aucun problème à un certain niveau, n’est-ce pas ? Mais quand l’intellect porte atteinte à cette pure sensibilité de perception, alors la médiocrité s’installe. Pour connaître la fonction de l’intellect, et avoir conscience de cette pure perception, sans les laisser se mêler l’une à l’autre et se détruire mutuellement, il faut avoir une grande clarté, une grande acuité de conscience.
La fonction de l’intellect est donc toujours, n’est-ce pas, d’explorer, d’analyser, de chercher à savoir ; mais parce que nous avons soif de sécurité intérieure, psychologique, parce que nous sommes effrayés, angoissés par la vie, nous en arrivons à une conclusion donnée, et nous engageons à son service. Un engagement nous amène à un autre, et je dis que cet esprit-là, cet intellect-là, qui s’est fait l’esclave d’une conclusion, a cessé de penser, de s’interroger.

19 septembre
Soyez différent
(…) Tout autour de nous, privilégie la raison. Non que je sois opposé à la raison. Au contraire, nous devons être capables de raisonner très clairement, très finement, mais vous constatez à bien y regarder, que l’intellect ne cesse d’analyser afin de savoir pourquoi  nous avons besoin ou non d’appartenir, pourquoi il faut être différent, si l’on veut découvrir la réalité, et ainsi de suite. (…) et il y a la sensitivité, la perception pure, qui est sans cesse interrompue, dénaturée par l’intellect. Et quand l’intellect interfère avec la perception pure, cette interférence produit un esprit médiocre 

20 septembre
Un esprit qui apprend
Qu’entendons-nous par « apprendre » ? (…) Si vous faites des études techniques, vous étudiez les mathématiques, et ainsi de suite, vous accumulez des connaissances afin de les utiliser à des fins pratiques. Vous apprenez alors par accumulation, par addition. Mais lorsque l’esprit ne fait qu’absorber, additionner, acquérir, est-ce apprendre ?
(…) Ce processus accumulatif que nous désignions actuellement par le terme d’apprendre. Ce n’est rien d’autre que cultiver la mémoire, qui devient mécanique ; et l’esprit qui fonctionne mécaniquement comme une machine, est incapable d’apprendre.
L’esprit qui apprend ne dit jamais « je sais », parce que le savoir est toujours fragmentaire, alors qu’apprendre est toujours quelque chose d'intégral. Apprendre ne signifie pas partir d’une certaine somme de connaissances pour en ajouter de nouvelles. Cela n’est qu’un simple processus mécanique ; or, apprendre est quelque chose de tout différent. (…) J’apprends à propos de moi-même d’instant en instant, et ce moi-même est vital, essentiel ; il vit, il bouge, il n’a ni commencement ni fin. Dès que je dis : « je me connais », c’en est fini d’apprendre, tout s’achève dans le savoir accumulé. Apprendre, ce n’est jamais accumuler ; c’est un mouvement du connaître qui n’a ni commencement ni fin.

21 septembre
Le savoir s’arroge l’autorité
(…) Le mouvement d’apprendre suppose un état dans lequel l’esprit n’a aucune expérience préalable, emmagasinée sous forme de savoir. Le savoir est une acquisition ; apprendre, au contraire, est un mouvement constant qui n’est pas un processus d’acquisition ou d'addition : il suppose donc un état dans lequel l’esprit n’est investi d’aucune autorité. Le savoir s’arroge toujours l’autorité, et l’esprit qui se retranche derrière l’autorité du savoir est absolument incapable d’apprendre. L’esprit ne peut apprendre que lorsque le processus d’accumulation a définitivement cessé. (…) En fait, par ce terme d’ « apprendre », nous désignons le plus souvent ce processus même d’acquisition d’informations  nouvelles, qui viennent s’ajouter au stock de connaissances que nous possédons déjà …mais je parle ici de quelque chose de tout à fait différent. Le terme « apprendre » ne signifie pas pour moi que l’on ajoute à ce que l’on sait déjà. On ne peut apprendre que lorsqu’il n’y a pas la moindre trace d’attachement au passé sous forme de savoir, c’est-à-dire lorsqu’on ne traduit pas en termes de connu tout ce qu’on voit de neuf.






mercredi 14 septembre 2016

La pensée

Qu'entendons-nous par ce terme de « pensée » ? À quel moment pensez-vous ? Il est évident que la pensée est le résultat d'une réponse, neurologique ou psychologique, n'est-ce pas ? C'est la réponse immédiate des sens à la sensation, ou c'est psychologique : la réponse des souvenirs accumulés... Notre conscience se réfère par conséquent au passé ; et là est tout l'arrière-plan de notre existence. Dès que vous avez le passé, vous avez inévitablement le futur, parce que le futur n'est que la continuation du passé modifié, c'est-à-dire encore du passé.
Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? Parce que  penser est douloureux, cela crée dès perturbations, suscite des oppositions, alors que penser et ressentir de façon large et ample, exercer une lucidité sans choix ni exclusive, voilà qui peut nous entraîner jusqu'à des profondeurs inconnues. Or l'esprit est rebelle à l'inconnu ; c'est pourquoi il passe du connu au connu, d'une habitude à une autre habitude, d'un schéma à un autre.
C'est la répétition qui donne une continuité au penseur.
Vous avez beau essayer de raisonner sur ces problèmes de manière saine et logique, il vous suffira d'observer votre propre esprit pour constater que votre mode de pensée est conditionné par votre condition sociale, par l'environnement culturel dans lequel vous êtes né, par les aliments que vous consommez, par le climat sous lequel vous vivez, par les journaux que vous lisez, par les pressions et les influences subies dans votre vie.
Nous devons donc comprendre de façon très claire que notre pensée, c'est la réponse de la mémoire, et que la mémoire fonctionne mécaniquement. Le savoir sera toujours incomplet, et toute pensée issue du savoir est limité, parcellaire, et n'est jamais libre. La liberté de pensée n'existe pas, mais nous pouvons commencer à découvrir une liberté qui n'est pas un processus de pensée, et dans laquelle l'esprit a simplement conscience de tous ses conflits et de toutes les influences auxquelles il se heurte
.
Si vous pensez très clairement et sans préjugés, sans conformisme, sans essayer de convaincre qui que soit, sans objectif en vue, en cet acte même de penser, le penseur est absent - il n'y a que l'acte de penser. Ce n'est que lorsque vous visez, en pensant, à la réalisation d'un but, que vous devenez important, et non la pensée. (...) Si le penseur précède la pensée, alors il est plus important que la pensée, (...) mais si c'est la pensée qui vient en premier, alors la pensée est plus importante que le penseur.
Pour moi, rien ne compte que cette perception directe – et non le raisonnement, le calcul, l'analyse. Vous devez être capable d'analyser ; pour raisonner, vous devez avoir l'esprit bien fait, incisif ; mais l'esprit qui se limite à la raison et à l'analyse est incapable de percevoir ce qu'est la vérité...
 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie

8 septembre 
La mémoire n'a pas d'existence en soi
Qu'entendons-nous par ce terme de « pensée » ? À quel moment pensez-vous ?
(…) Il est évident que la pensée est le résultat d'une réponse, neurologique ou psychologique, n'est-ce pas ? C'est la réponse immédiate des sens à la sensation, ou c'est psychologique : la réponse des souvenirs accumulés. Il y a donc d'une part la réponse immédiate des nerfs à la sensation, et il y a d'autre part la réponse psychologique des souvenirs emmagasinés, l'influence liée à la race, au groupe, au gourou, à la famille, à la tradition, et ainsi de suite - tout cela étant ce qu'on appelle la pensée. Donc le processus de la pensée est la réponse de la mémoire, n'est-ce pas ? Vous n'auriez pas de pensée si vous n'aviez pas de mémoire, et c'est la réponse de la mémoire à une expérience donnée qui met en action ce processus de la pensée.
Qu'est-ce donc la mémoire ? (...) la mémoire se rapporte à des faits, des techniques, à l'information, à l'art de la mécanique, aux mathématiques, à la physique, etc., ou bien elle est le résidu d'une expérience incomplète, inachevée, n'est-ce pas ? Lorsque vous allez jusqu'au bout d'une expérience, qu'elle est achevée, elle ne laisse aucun souvenir au sens d'un résidu psychologique. Il n'y a de résidu que lorsqu'une expérience n'est pas pleinement comprise, et nous ne comprenons pas l'expérience  parce que nous regardons chaque expérience à travers le prisme des souvenirs passés, c'est pourquoi nous ne rencontrons jamais l'inédit sous sa forme de chose neuve, mais toujours à travers l'écran de ce qui est vieux. 

9 septembre 
La conscience se réfère au passé
Si vous observez très soigneusement, vous verrez que ce mouvement de la pensée n'est pas continu, mais qu'un intervalle se produit entre deux pensées. Bien qu'il puisse ne durer qu'une fraction infinitésimale de seconde, cet intervalle existe et a son importance dans le mouvement de va-et-vient pendulaire de la pensée. 
 Il est aisé de voir que l'activité de notre pensée est conditionnée par le passé, lequel est projeté dans le futur. Si tôt que l'on admet le passé, l'on doit aussi admettre le futur, car ces deux états dits passé et futur ne sont en fait qu'un seul état, qui inclut le conscient et l'inconscient, le passé collectif et le passé individuel. Ces deux passés, en réponse au présent, émettent certaines réponses qui créent la conscience individuelle. Notre conscience se réfère par conséquent au passé ; et là est tout l'arrière-plan de notre existence. Dès que vous avez le passé, vous avez inévitablement le futur, parce que le futur n'est que la continuation du passé modifié, c'est-à-dire encore du passé. Notre problème consiste donc à produire une transformation dans ce processus du passé sans créer une nouvelle forme de conditionnement, un autre passé.

10 septembre 
Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? 
Le penseur élabore ses pensées à partir de l'habitude, de la répétition, de limitation, ce qui n'aboutit qu'à l'ignorance et à souffrance. L'habitude n'est-elle pas de l'irréflexion ? La perception lucide suscite l'ordre, mais elle n'engendre aucune habitude. Les tendances persistantes n’aboutissent qu’à l’irréflexion, à l’inconséquence.
 Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? Parce que  penser est douloureux, cela crée dès perturbations, suscite des oppositions, alors que penser et ressentir de façon large et ample, exercer une lucidité sans choix ni exclusive, voilà qui peut nous entraîner jusqu'à des profondeurs inconnues. Or l'esprit est rebelle à l'inconnu ; c'est pourquoi il passe du connu au connu, d'une habitude à une autre habitude, d'un schéma à un autre. Ce type d'esprit n'abandonne jamais le connu pour aller à la découverte de l'inconnu. Se rendant compte de la douleur qui va pair avec la pensée, le penseur, à force d'imitation, d'habitudes, finit par perdre le fil de ses pensées ; ayant peur de penser, il crée ce schéma de comportement irréfléchi. (...) Le penseur peut se diviser en de multiples catégories de pensée, mais la pensée et le penseur ne font toujours qu'un. 

11 septembre 
Le penseur est la pensée 
 N'est-il pas indispensable de comprendre celui qui pense, accomplit ou agit  -  le penseur, le faiseur, l' « acteur »  -  puisque sa pensée, son geste, son action sont indissociables de lui ? Le penseur est la pensée, le faiseur est ce qu'il fait, l'acteur est l'action. (...) Si le penseur peut se transcender, alors tout conflit cessera ; et pour se transcender, il faut qu'il se connaisse. Ce qui est connu et compris, ce qui est réalisé et achevé ne se répète pas. C'est la répétition qui donne une continuité au penseur.

12 septembre 
La liberté de pensée n'existe pas 
(...) Nous passons notre vie dans un état de contradiction. (…) Nous parlons d'amour,  et nous sommes dévorés d'ambition, imbus d'un esprit de compétition, d'efficacité sans scrupules. Il y a donc contradiction. Toute action née de la contradiction n'aboutit qu'à la frustration et à de nouvelles contradictions.
C'est que, voyez-vous, toute pensée n'est que fragmentaire ; elle ne peut jamais être totale. La pensée est la réponse de la mémoire, et la mémoire est toujours fragmentaire, car la mémoire est le résultat de l'expérience vécue, la pensée est donc la réaction d'un esprit qui est conditionné par l'expérience. Toute forme de pensée, d'expérience, de savoir, est inévitablement parcellaire ; la pensée est donc impuissante à résoudre les nombreux problèmes qui sont les nôtres. Vous avez beau essayer de raisonner sur ces problèmes de manière saine et logique, il vous suffira d'observer votre propre esprit pour constater que votre mode de pensée est conditionné par votre condition sociale, par l'environnement culturel dans lequel vous êtes né, par les aliments que vous consommez, par le climat sous lequel vous vivez, par les journaux que vous lisez, par les pressions et les influences subies dans votre vie quotidienne...

13 septembre 
La pensée sans le penseur
Le singe dans l’arbre a faim, puis lui vient le désir de cueillir un fruit ou une noix. L’action vient d’abord, puis l’idée que l’on aurait intérêt à stocker la nourriture. (…) Qui est-ce qui vient en premier, l’action, ou celui qui exécute l’action ?  Sans l’action, y a-t-il un « acteur » ?  
(…) Qui est l'observateur ?  Le penseur est-il distinct de ses pensées, l'observateur distinct de ce qu'il observe, le sujet de l'expérience distinct de l'expérience, celui qui agit distinct de l'action ? ... Mais si vous examinez réellement le processus, très attentivement, de près, et intelligemment, vous verrez qu'il y a toujours d'abord l'action, et que cette action, qui a une fin en vue, crée l' « acteur ». Est-ce que vous suivez ? Si l’action a un objectif en vue, la réalisation de cet objectif engendre l’« acteur ».
Si vous pensez très clairement et sans préjugés, sans conformisme, sans essayer de convaincre qui que soit, sans objectif en vue, en cet acte même de penser, le penseur est absent - il n'y a que l'acte de penser. Ce n'est que lorsque vous visez, en pensant, à la réalisation d'un but, que vous devenez important, et non la pensée. (...) Si le penseur précède la pensée, alors il est plus important que la pensée, (...) mais si c'est la pensée qui vient en premier, alors la pensée est plus importante que le penseur. 

14 septembre 
La perception immédiate 
Il n'y a pour moi qu'une seule chose qui compte : la perception - c'est-à-dire le fait de percevoir si une chose est vraie ou fausse de manière immédiate. C’est cette perception immédiate de ce qui est faux et de ce qui est vrai qui constitue le facteur essentiel – et non l’intellect, avec ses raisonnements fondés sur son habileté, son savoir, ses engagements. Il vous est certainement arrivé de temps à autre de voir immédiatement la vérité d’une chose – (…)  C'est cela, la perception : voir la vérité d'une chose, immédiatement, sans analyse, sans raisonnement, sans aucune de toutes  ces choses que l'intellect crée à seule fin de différer la perception. C'est tout à fait différent de l'intuition, mot dont nous faisons un usage facile, trop facile...
Pour moi, rien ne compte que cette perception directe – et non le raisonnement, le calcul, l'analyse. Vous devez être capable d'analyser ; pour raisonner, vous devez avoir l'esprit bien fait, incisif ; mais l'esprit qui se limite à la raison et à analyse est incapable de percevoir ce qu'est la vérité...







jeudi 8 septembre 2016

L'intellect

Nous disposons presque tous de capacités intellectuelles développées – ces capacités prétendues intellectuelles ne l’étant que de nom… A force de cultiver cet intellect - ou prétendu tel - nous avons perdu toutes les autres aptitudes, toutes les autres formes de sensibilité, et cela nous pose le problème de savoir comment rééquilibrer notre existence, non seulement afin de disposer des plus hautes aptitudes intellectuelles et d'être capables de raisonner objectivement, de voir les choses telles qu'elles sont - au lieu d'exprimer sans cesse des opinions sur des théories et des règles… L’esprit qui est compétitif, qui s’empêtre dans le conflit du devenir, et qui pense en termes de comparaison, est incapable de découvrir le réel. Une pensée-perception qui est intensément en éveil et lucide s'engage dans un processus constant de découverte de soi - découverte qui, étant authentique, est libératrice et créative. Toute tendance compulsive, toute activité spécialisée donne à l'esprit de l'acuité, ainsi qu'un moyen de focaliser la pensée, mais cela n'a rien à voir avec la floraison d'une pensée-perception pénétrant au cœur de la réalité. 
Il y a une énorme différence entre intellect et intelligence. L'intellect n'est autre que la pensée fonctionnant indépendamment de l'émotion. L’intelligence éclôt lorsque nous agissons en parfaite harmonie, tant sur le plan intellectuel qu'émotionnel. L’éclair de compréhension est lorsqu'il n'y a pas de verbalisation de la pensée. Faites-en l'expérience toute simple, et vous verrez surgir en vous ce flash de compréhension, cet éclair de lucidité fulgurante, qui surgit lorsque l'esprit est tout à fait tranquille, que la pensée est absente, que l'esprit n'est pas assourdi par son propre tumulte. Ainsi, toute compréhension, ne peut se faire que lorsque l’esprit est tout à fait tranquille.
Si vous avez des idées préconçues à votre propre égard, vous ne pouvez pas comprendre l’inconnu, qui est spontané. Le spontané  doit être l’inédit, l’inconnu, l’incalculable, le créatif, ce qui doit impérativement être exprimé, aimé, et en quoi la volonté en tant que processus de l’intellect qui contrôle, qui dirige, ne joue aucun rôle.
Observez vos propres états émotionnels et vous verrez que les instants de grande joie, d'immense extase, ne sont jamais prémédités : ce sont des événements imprévisibles, mystérieux, secrets.  
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
1er septembre 
Nous nous prenons pour des intellectuels 
(...) Nous nous prenons pour d'authentiques intellectuels dès que nous pouvons citer d'innombrables œuvres, d'innombrables auteurs, avoir des lectures très diverses, et que nous sommes capables d'établir des corrélations et d'offrir des explications. Mais aucun d'entre nous - ou une si infime minorité - n'a de conceptions intellectuelles originales. A force de cultiver cet intellect - ou prétendu tel - nous avons perdu toutes les autres aptitudes, toutes les autres formes de sensibilité, et cela nous pose le problème de savoir comment rééquilibrer notre existence, non seulement afin de disposer des plus hautes aptitudes intellectuelles et d'être capables de raisonner objectivement, de voir les choses telles qu'elles sont - au lieu d'exprimer sans cesse des opinions sur des théories et des règles - mais aussi afin de pouvoir penser par nous-mêmes, et examiner de nous-mêmes  très attentivement le vrai et le faux. Et voilà, à mon sens, l'une de nos difficultés : cette incapacité à percevoir non seulement les choses extérieures,  mais aussi notre vie intérieure - à supposer que nous en ayons une.

2 septembre 
Toute pensée est distraction 
(…) Cette découverte de soi nous délivre de toute tendance à acquérir, et nous affranchit de la vie complexe de l'intellect. C'est cette vie complexe de l'intellect qui trouve sa satisfaction dans certaines tendances compulsives - que sont la curiosité destructrice, les spéculations, le simple savoir, l'exercice de nos talents, le commérage, et ainsi de suite ; et tout cela fait obstacle à une vie simple. (…) Se libérer de toute distraction est chose plus difficile, car nous ne comprenons pas pleinement le processus de pensée-perception, qui devient à son tour un moyen de distraction. (...) Cette pensée-perception à pouvoir de se créer ses propres obstacles, ses propres illusions, qui empêchent d'avoir conscience du réel. Elle devient donc sa propre distraction, son propre ennemi. Étant donné que l'esprit est capable de créer des illusions, il faut d'abord comprendre ce pouvoir pour qu'il puisse ensuite se libérer totalement des distractions qu'il s'est créé lui-même. L'esprit doit être parfaitement tranquille, silencieux, car toute pensée peut être une source de distraction.

3 septembre 
Unité du cœur et de l'esprit 
La formation de l'intellect n'a pas pour résultat de susciter l'intelligence. Mais en revanche, l'intelligence éclôt lorsque nous agissons en parfaite harmonie, tant sur le plan intellectuel qu'émotionnel. Il y a une énorme différence entre intellect et intelligence. L'intellect n'est autre que la pensée fonctionnant indépendamment de l'émotion. Lorsque notre intellect reçoit, sans qu'il soit tenu compte des émotions, une information orientée dans une direction particulière, quelle qu'elle soit, nous pouvons avoir un intellect hors pair, mais nous n'avons pas l'intelligence, parce que l'intelligence a en elle la capacité naturelle de ressentir aussi bien que de raisonner ; dans l'intelligence, ces deux capacités sont présentées de manière égale, intense et harmonieuse. 
De nos jours, l'éducation moderne développe l'intellect, diffusant de plus en plus d'explications sur la vie, de plus en plus de théories, mais il y manque cette qualité d'harmonie qu'apporte l'affection. 
(...) L'esprit - l'intellect - se satisfait de ces innombrables explications, mais l'intelligence n'est pas, car pour pouvoir comprendre, l'esprit et le cœur doivent agir en symbiose totale. 

4 septembre 
L'intellect corrompt la sensibilité 
Il y a, voyez-vous, d'une part l'intellect, et de l'autre la sensibilité pure - qui fait que nous aimons telle ou telle chose, que nous éprouvons de grandes émotions généreuses. L'intellect raisonne, calcule, pèse, équilibre. "Est-ce que cela vaut la peine? En tirerai-je un bénéfice ? "
Il y a, d'autre part, la sensibilité – ce sentiment extraordinaire qui naît au spectacle du ciel, face à votre voisin, votre femme ou votre mari, votre enfant, devant l’univers, la beauté d’un arbre, et ainsi de suite. Lorsque ces deux pôles de perception s'unissent – la mort est là. Comprenez-vous ?  Mais lorsque la sensibilité pure est corrompue par l'intellect - la médiocrité est là. (...) " Si je fais ceci, vais-je avoir cela en échange ? "

5 septembre 
L'intellect ne résoudra pas nos problèmes 
(...) Je dis qu’il est essentiel d'avoir cette sensibilité profonde à la vie, au lieu de se laisser piéger dans les ramifications de l'intellect, dans les discussions, dans les examens à réussir, dans les citations – écartant au passage ce qui est neuf, en prétendant que c'est du déjà dit. La voie, ce n'est pas l'intellect. Il ne résoudra jamais nos problèmes ; il ne nous apportera pas cette nourriture qui est impérissable. L'intellect peut raisonner, discuter, analyser, tirer des conclusions à partir d'inductions, et ainsi de suite ; mais il est limité, car il est le résultat de notre conditionnement. Il n'en va pas de même pour la sensibilité. La sensibilité n'est pas conditionnée ; elle vous arrache d'un seul coup au territoire des peurs et des angoisses...

6 septembre
Comprendre en un éclair 
Je ne sais pas si vous avez remarqué que la compréhension survient lorsque l'esprit est très silencieux, ne serait-ce que l'espace d'une seconde : l'éclair de compréhension est lorsqu'il n'y a pas de verbalisation de la pensée. Faites-en l'expérience toute simple, et vous verrez surgir en vous ce flash de compréhension, cet éclair de lucidité fulgurante, qui surgit lorsque l'esprit est tout à fait tranquille, que la pensée est absente, que l'esprit n'est pas assourdi par son propre tumulte. Ainsi, toute compréhension (…) ne peut se faire que lorsque l’esprit est tout à fait tranquille.  Mais cette tranquillité de l'esprit ne peut se cultiver, car si on la cultive, le résultat obtenu n'est pas un esprit tranquille, mais un esprit mort. 
Plus vous vous intéressez à une chose, plus vous voulez comprendre, plus votre esprit est simple, lucide, libre. Alors cesse toute verbalisation. La pensée, en effet, n'est faite que de mots, et c'est le mot qui fait obstacle. C'est l'écran des mots, c'est-à-dire la mémoire, qui s'interpose entre le défi, et notre réponse au défi. C'est le mot qui répond au défi, et c'est ce que nous appelons l'intellection. Et donc, un esprit bavard, qui verbalise sans cesse, ne peut pas comprendre la vérité – la vérité telle qu’elle est dans la relation, et non une vérité abstraite. Il n’existe pas de vérité abstraite. Mais la vérité est chose très subtile... Comme un voleur dans la nuit, elle vient quand on ne l'attend pas, secrète et mystérieuse. 

7 septembre 
L'intellect pris au dépourvu 
Vous ne pouvez vous connaître vous-même que lorsque vous n'êtes pas sur vos gardes, que vous ne calculez pas, ne vous protégez pas, que vous n’êtes pas aux aguets, prêt à guider, à transformer, à soumettre, à contrôler, lorsque vous vous voyez de façon inopinée,  c'est-à-dire quand l'esprit n'a aucune idée préconçue à son propre égard, quand l'esprit est ouvert, et ne se prépare pas d'avance à rencontrer l'inconnu.
Si votre esprit s'est préparé d'avance, vous ne pourrez assurément pas rencontrer l'inconnu, car vous êtes le connu. (...) Si vous avez des idées préconçues à votre propre égard, vous ne pouvez pas comprendre l’inconnu, qui est spontané.
Donc, la spontanéité ne peut jaillir que lorsque l'intellect n'est pas sur ses gardes, quand il ne se protège pas, quand il n'a plus peur de lui-même ;  et cela ne peut jaillir que de l’intérieur. Autrement dit, le spontané  doit être l’inédit, l’inconnu, l’incalculable, le créatif, ce qui doit impérativement être exprimé, aimé, et en quoi la volonté en tant que processus de l’intellect qui contrôle, qui dirige, ne joue aucun rôle.
Observez vos propres états émotionnels et vous verrez que les instants de grande joie, d'immense extase, ne sont jamais prémédités : ce sont des événements imprévisibles, mystérieux, secrets. 






" Ce qui est "

La réalité ne peut pas avoir lieu si vous êtes dans un état de devenir, de conflit ; elle ne vient que là où se trouve un état d’être, une compréhension de ce qui est. Vous verrez alors que la réalité n’est pas dans le lointain ; l’inconnu n’est pas loin de nous : il est dans ce qui est.
Les systèmes d’idées et les formules sont un moyen d’éluder ce qui est. En cas de grand danger, l’action est immédiate. En pareil cas, vous n’avez aucune idée préconçue. Vous ne formulez pas d’abord une idée, pour agir ensuite en fonction de celle-ci.
La vertu n’est pas le devenir de ce qui n’est pas mais la compréhension de ce qui est, laquelle nous libère de ce qui est. Et la vertu est essentielle dans une société qui se désintègre rapidement. Le conflit est la négation de ce qui est, la fuite devant ce qui est ; il n’y a pas d’autre conflit que cela. Si je suis le mécontentement même, et que je cherche à trouver une voie, un moyen d’accès au contentement, mon esprit s’intéresse au moyen, à la mise en œuvre de ce moyen permettant d’accéder au contentement. L’objet de mes préoccupations n’est donc plus le mécontentement – cette braise, cette flamme ardente qui a pour nom mécontentement.
Si vous observez votre propre esprit, vous verrez que, lorsqu’il se trouve en face de ce qui est, il condamne, il compare avec « ce qui devrait être » ou alors il le justifie, et ainsi de suite, écartant de la sorte ce qui est et mettant hors champ cela même qui est à l’origine de ce désordre, de cette douleur et de cette angoisse. Le mécontentement n'est-il pas indispensable dans la vie, essentiel à tout questionnement, à toute investigation, à toute interrogation, à toute découverte du réel, de la vérité, de ce qui est la base de l'existence ?
Le contentement qui est le produit de l'esprit n'est qu'une échappatoire. Il est stérile. Il est mort. Mais il y a un contentement qui n'est pas de l'esprit, qui naît avec la compréhension de ce qui est, et dans lequel il est une révolution profonde, qui affecte la société et les rapports individuels.

Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
22 août
La réalité est dans ce qui est
(…) Si vous comprenez ce qui est le connu, vous vivrez cet extraordinaire silence qui n’est pas dû à une imposition ou à une persuasion, ce vide créatif, seule porte la réalité. (…) De même que la réponse à un problème est dans le problème, la réalité est dans ce qui est. Si nous pouvons la comprendre, nous saurons ce qu’est la vérité.

23 août
Faire face au fait
Je souffre. Psychologiquement, je suis terriblement perturbé ; mais j’ai déjà mon idée sur ce point : ce que je dois faire, ce qu’il ne faut pas faire, ce qui doit changer. Cette idée, cette formule, ce concept m’empêche de regarder ce qui est comme fait. (…) L’esprit est devenu paresseux, indolent, se fiant à une formule qui lui a donné le moyen d’échapper à toute action dirigée vers ce qui est.
(…) Mais en définitive, la réalité, c’est celle de ma violence, de ma colère. Qu’avons-nous à faire d’une idée ? Ce qui compte, ce n’est pas l’idée de la colère, c’est la réalité de la colère. Il en va de même pour la réalité de la faim. Lorsqu’on a faim, il ne s’agit pas d’une idée. L’idée qui surgit à ce moment – là concerne ce qu’il faut manger, et ensuite, conformément aux exigences du plaisir, on mange. La seule façon d’agir par rapport à ce qui est, c’est de ne pas avoir la moindre idée d’avance sur la façon dont il convient d’aborder ce à quoi on se trouve confronté – c’est-à-dire ce qui est.

24 août
Se libérer de ce qui est
Etre vertueux, c’est comprendre ce qui est, tandis que devenir vertueux, c’est masquer ce qui est derrière ce que l’on voudrait être et remettre indéfiniment à plus tard la solution. Et donc devenir vertueux signifie éviter toute action directe sur ce qui est

25 août
L’observation de la pensée
(…) Si vous voulez comprendre un enfant, aimez-le, ne le blâmez pas, jouez avec lui, observez ses mouvements, ses caractéristiques personnelles, son comportement. Mais si vous ne faites que le blâmer, le contrarier ou l’accuser, toute compréhension de l’enfant est exclue. De même, pour comprendre ce qui est vous devez observer ce que vous pensez, ressentez et faites d’instant en instant. C’est cela, l’actuel.

26 août
La fuite engendre le conflit
(…) Pourquoi sommes-nous habiles et ambitieux ? L’ambition n’est-elle pas le moyen d’échapper à ce qui est ? Cette forme d’habileté n’est-elle pas stupide, tout comme nous le sommes ? Pourquoi avons-nous si peur de ce qui est ? A quoi bon fuir, si ce que nous sommes – quoi que cela puisse être – demeure ? Nous pouvons réussir à nous échapper, mais ce que nous sommes est toujours là, engendrant toujours conflit et misère. Pourquoi avons-nous tellement peur de notre solitude, de notre vide ? Toute activité tendant à fuir ce qui est, ne peut que provoquer la douleur et l’antagonisme. Le conflit est la négation de ce qui est, la fuite devant ce qui est ; il n’y a pas d’autre conflit que cela. Notre conflit devient de plus en plus complexe et insoluble, parce que nous ne regardons pas en face ce qui est. Il n’y a aucune complexité dans ce qui est, mais seulement dans toutes les évasions que nous recherchons.

27 août
Un mécontentement qui reste sans réponse
De quoi sommes-nous mécontents ? De ce qui est, bien sûr. Ce qui est peut être l’ordre social, ou bien une relation, ou encore ce que nous sommes essentiellement – c’est-à-dire notre laideur, nos pensées vagabondes, nos ambitions, nos frustrations et nos innombrables peurs : voilà ce que nous sommes. Et en nous éloignant de cela, nous allons, croyons-nous, trouver une réponse à notre mécontentement. Nous cherchons donc toujours un moyen, une façon de changer le ce qui est – c’est la préoccupation majeure de notre esprit. Si je suis le mécontentement même, et que je cherche à trouver une voie, un moyen d’accès au contentement, mon esprit s’intéresse au moyen, à la mise en œuvre de ce moyen permettant d’accéder au contentement. L’objet de mes préoccupations n’est donc plus le mécontentement – cette braise, cette flamme ardente qui a pour nom mécontentement. Nous ne cherchons pas à savoir ce qui se cache derrière lui. Nous cherchons simplement à éviter la flamme, à nous soustraire à la brûlure de cette angoisse…
C’est une tâche extrêmement difficile, car l’esprit, à l’examen de ce qui est, n’est jamais satisfait, jamais content. Il veut toujours transformer ce qui est en quelque chose d’autre – c’est cela, le processus de condamnation, de justification ou de comparaison.  Si vous observez votre propre esprit, vous verrez que, lorsqu’il se trouve en face de ce qui est, il condamne, il compare avec « ce qui devrait être » ou alors il le justifie, et ainsi de suite, écartant de la sorte ce qui est et mettant hors champ cela même qui est à l’origine de ce désordre, de cette douleur et de cette angoisse.

28 août
L’effort nous distrait de ce qui est
(…) Si nous parvenons à saisir la signification de l’effort, alors nous pourrons le traduire en acte dans notre vie quotidienne. L’effort n’implique-t-il pas que l’on cherche à tout prix à changer ce qui est en ce qu’il n’est pas, ou en ce qu’il devrait être, ou en ce qu’il devrait devenir ? Nous ne cessons de fuir ce qui est, tout en voulant le transformer ou le modifier. Celui qui est réellement satisfait est celui qui comprend ce qui est, qui donne à ce qui est son juste sens. (…) Ce n’est que par la vigilance passive que peut s’appréhender le sens de ce qui est. Ce  dont je parle en ce moment, ce n’est pas des efforts physiques (…) mais des efforts psychologiques. (…) L’effort c’est ce qui nous distrait de ce qui est. C’est lorsqu’on admet ce qui est que cessent les efforts.  Il n’y a pas acceptation de ce qui est s’il y a désir de le transformer ou de le modifier. Et les efforts – qui sont signe de destruction – persisteront tant qu’existera le désir de changer ce qui est.

29 août
Un contentement étranger à l’esprit
N'est-il pas essentiel d'être mécontent, de ne pas étouffer le mécontentement, mais de l'encourager, de l'explorer, de le fouiller, de sorte qu'avec la compréhension de ce qui est vienne le contentement ? Ce contentement n'est pas le fruit d'un système de pensée : il va de pair avec la compréhension de ce qui est. Ce contentement n'est pas le produit de l'esprit - cet esprit qui est perturbé, agité incomplet, quand il cherche la paix, quand il cherche à fuir ce qui est. C'est pourquoi l'esprit, par la justification, la comparaison, le jugement, essaie de modifier ce qui est, espérant de ce fait accéder à un état où il ne sera plus perturbé, où il sera pacifié, où la tranquillité régnera. 

30 août
Un mécontentement vivace 
Le mécontentement n'est-il pas indispensable dans la vie, essentiel à tout questionnement, à toute investigation, à toute interrogation, à toute découverte du réel, de la vérité, de ce qui est la base de l'existence ? (...) Il faut entretenir la flamme du début à la fin, afin qu'il y ait une véritable investigation, un véritable approfondissement, un véritable questionnement quant à la nature du mécontentement. Et parce que l'esprit tombe très facilement sous l'emprise de toute drogue l'incitant à se satisfaire de vertus, de qualités, d'idées, d'actions, il tombe dans la routine et s'y englue. C'est une situation qui nous est familière, mais notre problème ce n'est pas de savoir comment apaiser le mécontentement, c'est d'en entretenir la flamme, la vie, la vitalité.

31 août 
Comprendre ce qui est 
Nous sommes en conflit les uns avec les autres, et notre univers est en voie de destruction. (...) Ce qu'il faut pour résoudre ces problèmes, ce n'est ni un nouveau système de pensée, ni une révolution économique : c'est en comprenant ce qui est, - le mécontentement -, en scrutant sans cesse au plus profond de ce qui est, que se déclenchera une révolution d'une portée beaucoup plus vaste que la révolution des idées. Et c'est cette révolution-là qui est indispensable à l'avènement d'une autre culture, d'une autre religion, d'une autre relation d'homme à homme.